1. Qui s’y colle ?

2. Guider la production, valoriser l’apprenant

Et pendant ce temps…

Les services marketing le connaissent bien. Il débarque en formation et pourrait bien agrémenter largement les parcours de formation de l’organisation apprenante, si tant est que le formateur ne prenne pas ombrage de ce qui pourrait ressembler à une concurrence déloyale, mais n’est en réalité qu’une complémentarité bienvenue. On l’appelle l’UGC pour User Generated content (contenu généré par l’utilisateur). En formation on pourrait même le baptiser le LGC pour Learner Generated Content (contenu généré par l’apprenant).

Avis, vidéos expérientielles, commentaires et suggestions, un contenu devenu un outil marketing incontournable pour les marques et qui s’inscrit désormais pleinement dans leur stratégie de communication de marque. Que celui qui n’a jamais laissé un avis sur un site marchand nous jette la première pierre. Notre comportement de e-consommateur nous a familiarisé avec ce bouche à oreille numérique. Les marques s’en sont emparées pour développer des stratégies de communication qui reposent sur des communautés d’utilisateurs.

Le service formation peut désormais surfer sur la vague et inviter les experts métier, les commerciaux ou techniciens à transposer cette pratique en formation, sous l’égide du formateur, animateur de cette nouvelle communauté apprenante autant que sachante. Pour l’entreprise, l’objectif est multiple : sécuriser les savoirs et savoir-faire des meilleurs experts de l’entreprise, favoriser l’onboarding des nouveaux entrants et construire pas à pas une véritable organisation apprenante.

« Enseigner c’est apprendre deux fois » expliquait Joseph Joubert, moraliste du 18e siècle et secrétaire de Diderot. Un principe repris dans les initiatives d’apprentissage par les pairs et la dynamique de Social learning dont les bénéfices sont désormais éprouvés et la pratique outillée dans la plupart des LMS et des plateformes collaboratives.

Prérequis, accompagnement, outils et formats : quelques clés pour engager ses experts dans la création de ressources pédagogiques.

1.
Qui s’y colle ?

Tous les experts ne présentent pas spontanément les capacités indispensables pour produire du contenu pédagogique pertinent.

En la matière on peut imaginer plusieurs approches :

  • une approche que l’on pourrait appeler Coubertin dans laquelle « l’important c’est de participer » ! La liberté totale donc, via un espace collaboratif dans lequel chacun va pouvoir déposer une capsule audio, un tuto vidéo, un screenshot (copie d’écran) annoté, le screencast (enregistrement de son écran très utile pour détailler les fonctionnalités d’un logiciel, par exemple) qu’il a réalisés, permettant ainsi à ses pairs de trouver la ressource dont ils ont besoin en just in time. Ces productions n’ont pas forcément vocation à être intégrées dans des parcours de formation aux multiples ressources pédagogiques et très scénarisés mais plutôt dans un espace à la Youtube avec une fonction « moteur de recherche » performante ;
  • une approche plus encadrée qui vise à sélectionner les apprenants producteurs de contenus et/ou valider les productions de chaque expert. Cette approche peut s’avérer intéressante pour intégrer le User generated content dans de véritables parcours de formation en ligne voire dans des animations présentielles.

Dans l’approche Coubertin, un système de recommandation ou de like par la communauté métier peut faire office de système de validation de la qualité du contenu.

Dans l’approche plus encadrée, deux principales options (non exclusives l’une de l’autre) s’offrent alors pour s’assurer de la qualité de la production :

  • une sélection a priori: quels sont les experts métier les plus à même de transmettre leur savoir, savoir-faire ou savoir-être ? Les meilleurs experts ne sont pas forcément les meilleurs pédagogues. La sélection a priori passe par la collaboration étroite avec les managers, responsables d’équipes des experts pressentis pour identifier le meilleur rapport « compétences métier / aptitude à expliquer » ;
  • une validation a posteriori: par le responsable pédagogique ou le formateur mais aussi potentiellement par le manager de l’expert et/ou par un panel de pairs.

Le choix peut se porter sur une validation a posteriori sans sélection a priori pour laisser à chaque apprenant la liberté d’enrichir le parcours et ainsi multiplier les angles d’approche d’une problématique ou les exemples opérationnels de mise en pratique ou simplement maximiser l’engagement de chacun dans le parcours.

Toutefois, si le costume de formateur se révélait trop grand pour l’un des apprenants endossant le rôle de producteur de contenu, le service formation, le responsable du programme, devraient gérer avec tact et bienveillance l’invalidation des ressources produites. La sélection a priori peut limiter ce type de risque, avec toutefois pour contrepartie une moindre richesse des contributions.

Une sélection a priori peut, sans être individuelle, être réalisée sur critères d’années d’expérience, de fréquence de prise de parole en public, de nombre de missions en gestion de projet ou en animation de groupe, pour limiter le risque de contenus de piètre qualité. La sélection peut aussi prendre la forme d’un challenge entre experts métier pour réaliser, en une journée, des capsules de contenu pédagogique qui trouveront leur place dans les parcours métiers.

Dans tous les cas, les experts producteurs de contenu doivent avoir confiance dans leur organisation pour ne pas craindre le jugement. C’est le rôle de l’entreprise toute entière, au travers des valeurs qu’elle porte, d’instaurer ce climat de confiance. Les experts devront également être capables d’analyser leur pratique, d’en maîtriser les étapes clés pour les présenter de façon claire et intelligible. En cela, l’équipe pédagogique peut fournir des outils ou des ressources d’aide à la création ou à la curation de contenu et un formalisme précis, plus à même, dans certains cas, de guider la réalisation appropriée qu’une liberté totale, sans guidance, qui pourrait impliquer un travail complémentaire de remise aux normes par l’équipe pédagogique.

2.
Guider la production, valoriser l’apprenant

L’engagement de l’apprenant dans les rôles successifs voire cumulatifs d’apprenant et de formateur est étroitement lié à un climat de confiance cultivé dans l’entreprise. La peur du regard de l’autre, du jugement de son N+1 sont source d’immobilisme et peuvent entraver les meilleures volontés et priver l’entreprise d’une capitalisation majeure sur les savoirs et savoir-faire de ses collaborateurs. Bienveillance et confiance sont donc des prérequis incontournables qui méritent d’être clairement annoncés et expliqués aux apprenants.

Guider l’apprenant dans son nouveau rôle de formateur occasionnel 3.0 constitue en outre un challenge émergent pour le service formation interne ou les organismes de formation. Il demande un investissement pour le formateur qui pourra :

  • élaborer des templates de contenu textuel avec une contrainte en termes de nombre de caractères pour éviter des textes trop longs et encourager à exposer l’essentiel ;
  • présenter des exemples de réalisation de courtes vidéos ou réaliser des tutos (on en trouve beaucoup sur Internet) sur le thème « comment filmer avec son smartphone ». Attention, filmer et décortiquer un geste métier peut s’avérer compliqué surtout si l’apprenant devient homme-orchestre, à la fois réalisateur et acteur ;
  • fournir des modèles de rédaction pour des podcasts audios, expliquant la différence entre « rédiger pour être lu » et « rédiger pour être écouté » ;
  • réaliser un guide de bonnes pratiques en matière de curation de contenus et notamment la vérification des sources, leur fiabilité, l’adéquation avec les valeurs de l’entreprise.

Quelques conseils pour réaliser des vidéos avec un smartphone par Nicolas Lozancic, de Sparks :

Pour quelques règles de production d’un podcast audio : c’est ici (mettre un lien vers le billet sur le podcast)

Circuit court

Le User generated content est un circuit court de production de contenu pédagogique : du consommateur au consommateur. A circuit court, outils simples et format percutant. C’est là que le calibrage des contenus, réalisé en amont par l’équipe pédagogique à destination des apprenants producteurs/consommateurs, prend tout son sens.

Nombre d’outils auteurs et de plateformes collaboratives intègrent désormais des fonctionnalités de création et d’agrégation de contenus simplifiées pour favoriser l’UGC. De même, des applis de réalisation et de montage de vidéos qui ne nécessitent aucune connaissance technique particulière se développent.
Sparks, Beedeez, Oui are Makers, pour n’en citer que quelques-uns… Les acteurs présents sur ce créneau ont bien compris l’intérêt, pour les organisations, de libérer la production de contenus de formation pour la faire sortir des services formations. Investir tous les services opérationnels de l’entreprise pour favoriser l’UGC procède de la construction d’une véritable organisation apprenante, capable de mobiliser tous les acteurs internes pour nourrir le besoin de compétences actualisées et capitaliser sur le savoir de chacun.

Et pendant ce temps…

…côté formateur

Mettre l’apprenant au centre, signifie-t-il placer le formateur sur la touche ? Si la création de contenu devient l’apanage de l’apprenant, que reste-t-il au formateur ?

Tout ! Et plus encore l’opportunité d’endosser un costume supplémentaire : celui d’un accoucheur de compétences, d’un curateur d’expériences, d’un animateur de communauté apprenante qu’il est impératif d’engager et de fédérer. Déléguer une partie de la création de contenu à l’apprenant lui-même peut permettre au formateur de se concentrer sur un rôle d’accompagnement devenu désormais incontournable.

Développer l’UGC dans son organisation nécessite de motiver, dans la durée, les apprenants à filmer leurs gestes métier, à enregistrer des capsules audio de leurs bonnes pratiques et d’exposer, à leurs pairs, leurs retours d’expériences.

Pour cela,le formateurl devient l’animateur de la communauté des apprenants producteurs de contenus. Son rôle consiste, dans ce cadre, à faciliter la prise en main des outils et à normaliser les contenus, mais également à encourager la consultation des ressources ainsi produites et à valoriser les initiatives d’UGC.

Côté validation, selon la démarche privilégiée (Coubertin ou plus encadrée), il procèdera :

  • dans le premier cas à la modération des avis de la communauté apprenante vis-à-vis des productions de leurs pairs, au rappel les règles de bienveillance qui doivent prévaloir ; mais également à la promotion des meilleures réalisations, à l’élaboration de cas d’usage et des scénarios d’utilisation à partir de ces réalisations ;
  • dans le second cas, à la validation des contenus sur le fonds autant que sur la forme, à la confirmation de leur intérêt pédagogique, éventuellement à la mise en place d’itérations avec l’expert pour apporter quelques modifications, à l’intégration dans les parcours de formation et à la bonne communication des nouveautés auprès de la communauté apprenante.

Dans tous les cas, il veillera à apporter un feedback constructif aux producteurs de contenus. Il pourra ajouter des métadonnées sur ces nouvelles ressources pour enrichir une bibliothèque de ressources pédagogique structurées et facilement utilisables. Il s’assurera régulièrement de l’actualisation des ressources.
Il encouragera les autres formateurs à s’appuyer sur ces réalisations pour enrichir leurs sessions présentielles.

Dans cette démarche UGC, le formateur/service formation se retrouve en première ligne sur les aspects motivationnels (inciter à prendre part à la démarche), organisationnels (faciliter la production et la diffuser), stratégiques (sécuriser les savoirs et savoir-faire de l’entreprise par la construction et la gestion d’une véritable bibliothèque des savoirs).

…côté apprenants et organisation

La communauté apprenante a tout à gagner de cette production de contenus très opérationnels, réalisés par des pairs qui rencontrent les mêmes interrogations, les mêmes difficultés, imaginent des solutions et, avant tout, parlent le même langage et sont capables de faire passer leurs émotions et leur ressenti face à une problématique.

L’UGC permet ainsi d’offrir des ressources plus informelles et donc plus engageantes avec un taux de mémorisation plus efficient. Des discussions et des confrontations de points de vue (modérées et animées par le service formation/formateur) vont contribuer au développement de la culture de l’Apprendre partout tout le temps dans une dynamique de co-construction des savoirs.

C’est aussi une façon plus rapide de construire une véritable bibliothèque de ressources utilisables :

  • par les apprenants en situation de travail qui accèdent ainsi en just in time une réponse rapide à un problème immédiat ;
  • par le service formation pour enrichir les parcours de cas pratiques, de témoignages, de gestes et postures métiers…

C’est enfin un moyen d’éviter de perdre le savoir et savoir-faire de collaborateurs expérimentés qui quittent l’entreprise.

Pour résumer, l’UGC :

  • renforce l’engagement de l’apprenant devenu formateur occasionnel et de la communauté métier ;
  • enrichit les parcours de contenus plus opérationnels ;
  • contribue à la création d’une culture de formation au quotidien, basé sur l’informel ;
  • facilite la circulation du savoir à l’intérieur de l’entreprise ;
  • sécurise le capital immatériel de l’entreprise.

Un Do It Yourself pédagogique, qui, bien accompagné, participe à l’édification de l’organisation apprenante.