[Newsletter 216] La formation peut-elle devenir un bien de consommation ?
Publié le : lun 20 janvier 2020Views: 838
[yarpp]

Après Uber X (VTC), Uber Pool (partage de trajet), Uber Eats (livraison de repas) et Uber Jump (trottinettes et vélos électriques), va-t-on voir débarquer Uber Learn ?

Ce n’est pas à exclure tant le marché mondial de la formation s’affranchit des intermédiaires et que les offres ressemblent de plus en plus à des produits très formatés et très marketés. D’un service individuel à forte valeur ajoutée, la formation se transforme doucement en bien de consommation.

 

Le formé devient le client

Historiquement, il y avait d’un côté les organismes de formation, et de l’autre les responsables formation. Oui, mais ça, c’était avant… Une ribambelle de réformes plus tard, le marché s’est tendu, la formation s’individualise, et le formé prend le pouvoir. France Compétence vient de lui donner l’arme fatale au creux de la main avec l’application CPF et le site MonCompteFormation.

Le CPF, voilà le responsable de tous ces chamboulements. Il donne (enfin) aux salariés la possibilité de disposer comme il le veut de ses droits de formation acquis au fil des ans. Seulement voilà, toutes les formations ne sont pas éligibles au financement par le CPF, il faut pour cela qu’elles… forment vraiment, et qu’elles soient certifiantes et qualifiantes.

Devant ces changements profonds, les organismes s’organisent, car pour être éligibles au CPF leurs formations doivent évoluer. Passer d’une formation clôturée d’un simple questionnaire de satisfaction à un dispositif certifiant, la marche est haute.

Le marketing doit lui aussi évoluer, impossible d’envoyer les indéboulonnables « catalogues de formation » dans toutes les boîtes aux lettres comme feu le bottin. Un véritable casse-tête pour les responsables marketing des organismes qui ne sont pas (mais alors pas du tout) préparés à tourner la tête vers leur cible finale. Certains se sont lancés dans l’aventure d’ouvrir et d’animer un blog. C’est un louable petit pas vers le marketing du 21e siècle, mais la cible de ces blogs est-elle vraiment le formé ou plutôt les professionnels du secteur ?

 

Les plateformes débarquent

En plus de devoir élargir fortement leurs actions marketing, les organismes sont attaqués par de nouveaux entrants. Les plateformes s’immiscent entre le produit et le client final en offrant des services de qualité et une expérience utilisateur réglée au millimètre. Le succès des plateformes est directement proportionnel aux lacunes des organismes dans leur relation avec le client final.

Il existe deux types d’intermédiaires (plateformes), celles tournées vers le grand public comme Maformation.fr ou My-mooc.com, et celles tournées vers les responsables formation, comme SkillUp.co ou Placedelaformation.com.

Mais le danger n’est pas seulement du côté la cible des clients. Le gâteau de la formation est également tentant du côté des prestataires, MeilleursFormateurs.com ou LeSiteDesFormateurs.com se proposent de trouver efficacement les meilleurs experts formateurs. Les entreprises ne se gênent pas pour traiter en direct avec eux pour des besoins ponctuels de formation. Les agences de Digital Learning elles aussi ne sont pas épargnées, la plateforme EdTake a bien l’intention de leur faire une sérieuse concurrence.

 

Vers une tendance low cost ?

Le CPF a fixé la barre très bas : 15 €/heure pour une formation éligible au CPF (hors abondements éventuels des OPCO). Habituellement, une formation délivrée par un organisme traditionnel est aux alentours de 700 €/jour pour 7 h de formation, soit 100 €/heure, on est (très) loin de 15 €.

Quelles peuvent être les conséquences d’un tel écart entre les prix habituellement pratiqués et l’étalon proposé par le CPF ?

Les alternatives digitales aux formats traditionnels de formation ont le vent en poupe, Coursera, Udemy, Linkedin Learning ou encore Unow se frottent les mains. Ajuster leurs offres pour coller aux critères d’éligibilité est certes un gros travail, mais il a l’avantage d’être considérablement plus facile à faire que changer tout son modèle présentiel, d’autant plus que le prix d’origine est bien plus proche de 15 €/h que de 100 €/h.

Ces formations digitales ne sont pas « low cost », elles s’appuient simplement sur des modalités de formation bien moins onéreuses individuellement que le format en salle.

Pour les organismes traditionnels, l’ajustement économique est bien délicat. Sur quoi rogner pour faire baisser fortement les coûts ? Les frais structurels ? La rémunération du formateur ? La qualité de la salle ? L’augmentation du nombre de stagiaires par session ?

En attendant de trouver la martingale, les organismes vont rester sous perfusion financière par des co-financements salvateurs associés au CPF co-construit, ou l’AFEST.

L’obligation d’ajuster les modèles actuels pour arriver à s’aligner sur les nouvelles contraintes économiques et de se tourner vers la cible finale des formés n’en est pas moins urgente. Le branle-bas de combat ne semble pourtant pas avoir été sonné dans tous les organismes qui ne font que constater avec résignation leur baisse de chiffre d’affaires et se contentent soit de rogner sur les coûts soit de redoubler d’efforts marketing pour promouvoir une offre inchangée vers l’unique cible historique.

Influenceur formation sur YouTube ou Instagram, ça vous tente ? :)

 

« Mettez-moi la formation en tête de gondole ! » — Michel-Edouard LECLERC

Partagez cet article