[Newsletter 188] Faut-il vraiment innover en formation ?
Publié le : lun 03 juin 2019Views: 3960
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Innovez qu’ils disent !

J’innove, ils innovent, nous innovons… certes la formation n’a jamais été autant incitée à évoluer, mais qu’est-ce vraiment que l’innovation ? Est-ce que suivre le mouvement du digital en général est réellement de l’innovation, ou bien s’agit-il de réinventer la formation en transformant les méthodes pédagogiques, en créant de nouvelles modalités, en établissant de nouvelles relations ?

Plongée dans le nouveau monde de la formation.

 

Qu’est-ce qu’innover ?

Innover, c’est introduire de la nouveauté, de l’inattendu, du surprenant dans une chose établie.

Pour être en mesure d’innover (c’est-à-dire d’inventer), il faut savoir observer, comprendre, décomposer, et surtout combiner, adapter, transposer d’un univers à un autre.

Par exemple, innover en automobile, c’est imaginer qu’on puisse utiliser ses doigts sur le clavier virtuel d’un écran pour contrôler toutes les fonctions de sa voiture plutôt que d’ajouter des boutons jusqu’à l’excès sur le tableau de bord, innover dans l’éclairage c’est penser que chaque ampoule puisse être contrôlée indépendamment et prendre la couleur et l’intensité souhaitée, innover dans les transports, c’est créer une société de taxi qui n’a ni voiture ni salarié…

Innover, ce n’est pas implanter sans vision et sans stratégie un corps étranger dans un système existant, bien souvent la greffe ne prend pas.

Innover, ce n’est pas juste renommer une activité ou y accoler “digital”, l’illusion ne dure qu’un temps.

Innover, ce n’est pas juste changer de crèmerie.

Comment innover en formation ?

L’innovation est un processus qui ne vise pas la réussite, mais la créativité, l’exploration, l’expérimentation. Ce n’est certainement pas un processus d’amélioration.

En formation, l’innovation passe par l’erreur, les fausses bonnes idées, la confrontation avec le conformisme et les idées reçues.

Pour innover en formation, il faut repenser les modèles, oser les déstructurer, inverser les rôles, en proposer de nouveaux, oublier les habitudes, les outils, les principes, lâcher prise avec les postures, les responsabilités et les attentes et favoriser la sérendipité.

Il faut surtout avoir une grande confiance et une grande détermination car les résistances au changement sont fortes et les habitudes coriaces.

Que les participants à une formation sur l’innovation réclament un programme, des méthodes et des objectifs précis avant d’y assister est certes cocasse, mais pourtant pas inhabituel :)

Innover en formation, ce n’est pas la découper en petits morceaux pour qu’elle passe par le filtre de notre attention de poisson rouge devant notre mobile, ce n’est pas juste repeindre un LMS en chaîne YouTube, ou lui ajouter un forum qui restera désespérément vide, ce n’est pas mettre une boîte à quiz au milieu d’une salle en se demandant ce qu’on va bien pouvoir en faire.

Innover en formation, c’est par exemple demander aux participants de définir eux-même le programme, de donner à tour de rôle aux stagiaires la responsabilité d’animer la formation, de donner rendez-vous dans un parc ou un jardin, sans wifi, sans PowerPoint, de démarrer une session sans faire de tour de table de présentation mais de demander à chacun de s’exprimer sur le sujet de la formation sans connaître ni sa fonction ni son parcours, c’est ne pas imposer l’ordre des modules dans un MOOC et ne pas en fixer de date de fin, c’est oser demander aux stagiaires de lire un livre avant de venir en formation…

Ne pas oublier ce qu’est la formation

Former, c’est transmettre des savoirs, aider à les comprendre, accompagner dans leur appropriation, les transformer en compétences, aider à leur mise en pratique.

Ce n’est pas cliquer le plus vite possible sur le bouton “suivant” pour abréger la souffrance d’un contenu aride, ce n’est pas collectionner les badges sans but, ou réussir un quiz par intuition.

La formation est une affaire de sens, d’intérêt, d’utilité.

A chaque nouvelle idée étonnante, séduisante ou farfelue, il faut se poser ces questions : “qu’apporte-elle au dispositif ?”, “aide-t-elle à renforcer la motivation et l’engagement des apprenants”, “l’équilibre effort/efficacité est-il bon ?”, “peut-elle convenir au plus grand nombre ?”…

 

Il faut rester vigilant et ne pas uniquement se faire plaisir en introduisant un outil ou une pratique qui n’aurait pas d’utilité réelle ou de sens.

 

« Toute ma vie, j’ai eu une idée par jour. Une seule était la bonne. » — Roland Moreno

 

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