[Newsletter #153] Le digital rend-il snob ?
Publié le : lun 17 septembre 2018Views: 949
[yarpp]

Une fois n’est pas coutume, la formation ne sera pas le cœur du sujet, mais l’adjectif qui lui est quotidiennement accolé : « DIGITAL ». Tarte à la crème ou poil à gratter ? Assez rarement un mot n’aura provoqué autant de remous, de changements et de questionnements. Utilisé parfois jusqu’à l’écœurement, il en devient presque irritant. Snob ?

 

Moi snob ? Mais vous n’y pensez pas mon ami !

Dialogue (presque) entendu dans le métro ligne 1 :

Mon ami, hier j’étais chez un client qui me parlait encore de « ressources humaines », quelle vieillotte représentation de cette fonction, les humains ne sont pas des ressources, mais du capital immatériel qu’il faut développer. Pauvre gars, quand il va se réveiller, le train des « relations humaines » sera déjà passé, j’en ris encore !

SNOB :

Un snob, c’est-à-dire une personne qui fait preuve de snobisme, cherche à se distinguer du commun des mortels. Désireux d’appartenir à une élite, le snob tend à reproduire le comportement d’une classe sociale ou intellectuelle qu’il estime supérieure. Souvent, il imite les signes distinctifs de cette classe, qu’il s’agisse du langage, des goûts, des modes ou des habitudes de vie. Il traite avec mépris ceux qu’il considère comme ses inférieurs.

Origine :

À l’époque de l’Empire romain, pour récompenser les plébéiens méritants, l’empereur les autorisait à inscrire leurs enfants dans les écoles réservées à l’élite, aux patriciens (nobles). Cependant, pour bien marquer la différence entre les enfants nobles et ceux du peuple, les maîtres inscrivaient « s.nob. », abréviation de « sine nobilate » (sans noblesse), en face du nom de ces derniers.

Cette féroce volonté de vouloir creuser l’écart entre le supérieur et l’inférieur, le passé et le présent se concrétise souvent par un changement de vocabulaire, bien plus aisé à opérer qu’un réel changement.

Sans vouloir dire (bien au contraire/quoi que…) que le digital, c’est faire du neuf avec du vieux, il faut parfois reconnaître que les changements réels sont souvent bien moins radicaux que leurs colporteurs laissent à le penser.

De là à penser que lorsque dans une phrase, vous entendez conjointement « disruption », « agilité », « paradigme » et « digital », vous entendez certainement plus un résonnement marketing qu’un raisonnement argumenté, il n’y a qu’un « step » ou un « micro-gap ».

 

Numérique ou Digital ?

La question fait rage, et surtout ici, mais essayons d’y voir clair.

Le mot « digital », vient du latin digitalis, « qui a l’épaisseur d’un doigt », dérivé lui-même de digitus, « doigt ». C’est parce que l’on comptait sur ses doigts que de ce nom latin a aussi été tiré, en anglais, digit, « chiffre », et digital, « qui utilise des nombres » si on cherche son origine du côté français, se rapporte dans les deux cas aux « doigts ».

En français, numérique s’oppose à analogique, et désigne donc toutes les actions de numérisation et de dématérialisation.

En toute logique, comme le suggère l’Académie française, il faudrait utiliser « numérique ».

Mais qu’en disent les linguistes ? La seule réponse valable que peut faire un linguiste quand on lui demande si une forme est correcte est : « si elle est employée, elle est correcte. Si elle n’est pas employée, elle est peut-être correcte ».

En effet, la linguistique ne consiste pas à dicter la façon de parler, mais à l’étudier. En ce sens, force est de constater qu’aujourd’hui, dire « culture numérique » est non seulement rarement utilisé, mais surtout « so 2015 » (1), et qu’il est beaucoup largement question de « culture digitale ».

Ah chouette alors ! « on » (2) a le droit de dire « on » et surtout de dire « Digital » et surtout de passer à autre chose qu’une petite querelle de mots ou d’anglicisme.

(Cependant, si les questions sémiologiques vous asticotent, allez butiner ce charmant blog)

Le snobisme qui cache la forêt

Selon l’institut Gartner, en 2015 (déjà) une entreprise sur quatre a recruté son responsable digital. Ouch ! Jamais un phénomène n’aura eu une telle ampleur (3), et surtout une telle vitesse.

Le digital n’est cependant pas une fin en soi, mais un outil au service du service.

Aborder la transformation digitale d’une organisation, que ce soit globalement au niveau d’une entreprise ou uniquement sur une activité (comme la formation), c’est réfléchir conjointement à ce que peuvent apporter les nouveaux outils, et surtout les nouveaux services à proposer. Produits et services étroitement liés, il est courant aujourd’hui de parler « d’expérience » pour désigner ce couple.

La digitalisation de la formation consiste donc à repenser à la fois les contenus, les méthodes pédagogiques, les objectifs visés, le déploiement, l’accompagnement des apprenants et leurs nouvelles attentes et exigences.

 

« J’suis SNOB ! » — Bør1s V1AN

  1. les mots s’usent, et plutôt vite,
    2015 : LMS (Learning Management System) > 2018 : LXP (Learning eXperience Platform)
    2015 : PDG > 2018 : CEO
    2015 : Changer > 2018 : revisiter
    2015 : MOOC > 2018 : Formation digitale
    2015 : J’ai beaucoup de travail > 2018 : je pratique le multitasking :)
  2. c’est qui « on » ?
  3. que ce soit au niveau de l’organisation, des processus, des produits, des services, de la communication, et des relations humaines

 

Partagez cet article