Dans une société de la connaissance, siège de rapides et permanentes mutations économiques et technologiques, l’université doit, comme l’école, s’inventer de nouvelles approches pédagogiques. Non seulement sous la forme d’organisations institutionnelles et de techniques d’enseignement repensées, mais également en envisageant de nouveaux rapports aux étudiants qui, avant d’acquérir les savoirs académiques qui leurs sont proposés, cherchent en premier lieu à donner du sens à leurs efforts pour apprendre.
Au tournant de ce nouveau siècle, on peut dès lors s’autoriser à penser que les évolutions que l’on observe (et celles que l’on peut prévoir) au niveau de l’organisation du monde et de la société, mais aussi au niveau du rapport au savoir et à l’autorité, sont susceptibles d’engendrer des chocs intergénérationnels d’un nouvel ordre et, par suite, de nécessiter des transformations sans précédent des systèmes de formation.
Faut-il faire table rase du passé et tout réinventer ? Bien évidemment, non. Les cours magistraux ont encore et toujours cette propriété de transmettre à un maximum d’étudiants de niveau homogène un maximum d’informations en un minimum de temps. Des étudiants dont on devrait pouvoir penser, puisqu’ils en sont arrivés là, qu’ils sauront rechercher dans leurs ouvrages ou auprès de leurs camarades les remèdes aux problèmes de compréhension qu’ils rencontrent dans l’amphithéâtre.
La décentration pédagogique
Certes la passion que nourrit l’enseignant pour sa discipline contribue-t-elle à l’impact de son discours et à l’intérêt qu’il est susceptible de déclencher auprès de ses étudiants, comme l’illustre bien le personnage de John Keating joué par Robin Williams dans le célèbre film Le cercle des poètes disparus (1989). Mais paradoxalement et non sans un brin de provocation, nous nous risquons également à suggérer que le principal défaut pédagogique auquel est confronté l’enseignant universitaire, outre le fait d’être un ancien bon élève, soit justement celui de chérir sa discipline.
Ego contre pédagogie
À l’inverse, accorder davantage d’intérêt à sa discipline qu’à ses étudiants, c’est d’emblée tracer une ligne rouge entre ceux qui méritent l’attention et ceux qui n’en valent pas la peine ; entre ceux que l’on espère recruter dans son laboratoire et ceux dont on préférerait presque qu’ils n’assistent pas au prochain cours. Voire ne faire cours que pour ceux qui nous ressemblent.
Des étudiants exigeants
Aucune surprise, dès lors, à ce que de plus en plus d’études et d’enquêtes montrent l’insatisfaction des étudiants face à des modalités d’apprentissage trop monolithiques : au travers des évaluations des cours qui leurs sont dispensés, de l’analyse de leur taux d’absentéisme, de leurs témoignages… et même si eux aussi savent parfois se montrer conservateurs face à l’évolution des approches pédagogiques.
Richard-Emmanuel Eastes est fondateur et membre du groupe Traces, groupe de réflexion et d’action sur la science, sa communication et son rapport à la société.