Mathilde Lemoine : « Les entreprises non formatrices ne seront pas productives » – RHEXIS
Publié le : mar 19 avril 2016Views: 1959

Publié dans : Méthodes et organisation

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Docteur en Sciences économiques passionnée par la théorie des choix publics, spécialisée dans la macro économie internationale, Mathilde Lemoine occupe depuis 2006 le poste de Directeur des Études économiques et de la Stratégie marchés chez HSBC France. Également membre du Haut Conseil des finances publiques et professeur d’économie à Sciences Po Paris, elle a rédigé différents rapports dont « Les mobilités des salariés » avec Étienne Wasmer, Professeur des Universités spécialisé en économie du travail, et « Entrer et rester dans l’emploi : un levier de compétitivité, un enjeu » pour le think tank Terra Nova, dont elle préside le groupe de travail pluridisciplinaire formation professionnelle. Nous l’avons interviewée sur le lien entre et croissance, ainsi que sur les dernières recommandations de l’OCDE pour améliorer la formation.

Management de la formation : – Bonjour Mathilde Lemoine. Avant d’en venir à l’actualité du secteur de la formation professionnelle, pouvez-vous nous expliquer en quoi formation des salariés et croissance des entreprises sont étroitement liées ?

Depuis plus de dix ans, en tant qu’économiste, j’étudie les mutations économiques, les évolutions du le monde du travail. De récents travaux économétriques et enquêtes montrent que les compétences des salariés ont un impact direct sur la croissance tendancielle mais aussi sur la compétitivité des entreprises à travers un développement et une meilleure diffusion de l’innovation.

Management de la formation : – Dans ces conditions, comment expliquer que rien ne bouge ?

Je relève plusieurs raisons à ce blocage :

  • les employeurs sont, d’une part, souvent réticents aux mobilités internes et, d’autre part, ne souhaitent pas développer les compétences de peur qu’une fois formés les salariés ne les quittent pour la concurrence. Ils privilégient les « formations métiers ».
  • les salariés ne souhaitent pas être formés sans une garantie d’emploi à la clé. Ils acceptent de se former éventuellement pour améliorer leur productivité à leur poste de travail, mais sont plus réticents à développer leurs compétences générales sans objectif précis.
  • les syndicats craignent une individualisation du marché du travail.

Management de la formation : – Parmi ses 12 recommandations pour améliorer la formation professionnelle (août 2015), l’OCDE préconise de préférer à une taxe sur les salaires des incitations fiscales et des subventions pour orienter l’effort de formation des entreprises vers les publics qui en ont besoin.

Je ne peux qu’être d’accord avec l’OCDE : nous l’avions nous-mêmes indiqué dès décembre 2006 dans le rapport « Les mobilités des salariés » co-écrit avec Etienne Wasmer. Nous proposions de mettre en place unsystème incitatif de bonus-malus portant sur les diverses cotisations (comme les cotisations chômage) ou sur les allègements de charge reçus par les entreprises. Le calcul du bonus-malus porterait sur des critères tels que la fraction des salariés formés, le contenu et la portabilité des qualifications (capital humain général) et le fait d’offrir des formations diplômantes et/ou certifiantes plutôt que non diplômantes et donc difficilement « vendables » sur le marché du travail.

Management de la formation : – Quels seraient les grands axes et objectifs d’une nouvelle réforme de la formation qui pourrait survenir lors du prochain quinquennat ?

Les trois urgences sont les suivantes :

  • Mettre en place un plan de formation large à destination des peu qualifiés proposant une sorte de « passeport savoirs numériques » qui serait l’occasion de revoir les compétences de base. Le gouvernement français pourrait s’inspirer du programme Learn direct* lancé au Royaume-Uni en 2000.
  • Simplifier l’accès à l’offre de formation via un site web simple présentant l’ensemble des offres de formations certifiantes et qualifiantes disponibles. Un audit du site moncompteformation.gouv.frsera bientôt lancé, espérons que la V2 qui en découlera soit plus efficace.
  • Développer les incitations fiscales via les assurances-chômage pour que les entreprises développent régulièrement les compétences de leurs collaborateurs et favorisent davantage la mobilité professionnelle.

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