Le MOOC survivra-t-il s’il ne s’intègre pas à l’institution ?
Publié le : mer 28 octobre 2015Views: 1700

Publié dans : Méthodes et organisation

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Connaissez-vous le MOOC « Introduction à la statistique avec R » de Bruno Falissard (Université Paris-Sud), dont la quatrième session a commencé lundi. C’est un qui a une signification toute particulière pour moi, l’ aux statistiques étant l’une des raisons qui m’ont poussé à me lancer dans une thèse sur l’apprentissage en ligne. Par ailleurs, il faut partie des quelques MOOC dont j’applique les enseignements au quotidien dans mes recherches. Comme je connais bien Bruno par ailleurs, il accepté de m’accorder un entretien dans le cadre de mes recherches. Je vous en livre aujourd’hui car il traite d’articulation entre MOOC et enseignements à l’université, un sujet très intéressant à discuter !
Comme pour d’autres pionniers des MOOC, Bruno n’était pas à son coup d’essai. Il avait ainsi lancé un premier site avec des vidéos de cours de statistiques il y a de cela dix ans, en avançant la raison suivante :
« En fait, j’étais confronté à plein de gens qui disaient : « voilà, il faudrait que vous m’analysiez les données. » Moi, je n’analyse pas les données de la Terre entière et le mieux c’est que les gens analysent leurs propres données, comme ça ils comprennent ce qu’ils font. Je faisais un cours mais une fois par an donc les gens disaient qu’ils ne pouvaient pas attendre. Quand, les gens me demandaient, je leur disais donc de d’abord aller voir les cours, faire les exercices et une fois qu’ils ont tout fait de revenir me voir pour en discuter. Ça mettait la balle dans le camp des gens, ça les rendait actifs plutôt que passifs. Et ça a assez bien fonctionné. »

 

Pourquoi dès lors passer au format MOOC : il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, renouveler un peu les cours, mais aussi pouvoir travailler en équipe, un élément qui revient régulièrement dans les entretiens:
« Après, c’était aussi affiner l’outil pédagogique que j’avais déjà fait avant. Il avait 10 ans et le moment était venu de le refaire ; il y avait des défauts, je le savais, la technologie avait évolué. C’était donc l’occasion de tout remettre à plat, de le faire avec une équipe ce qui est différent parce qu’avec une équipe tu as un regard critique sur ce que tu fais donc ça permet de faire mieux. «

 

Mais l’élément que j’ai sans doute trouvé le plus important dans notre entretien, c’est le fait que le MOOC ait été intégré dans le cursus de ses étudiants :
« La première session du MOOC a eu lieu en avril 2014 donc je n’ai pas pu l’intégrer dans mes cours parce qu’au troisième trimestre il n’y a plus de cours de stats. La session de septembre, j’ai demandé à tous mes étudiants de M2 méthodologie en statistiques et recherches biomédicales de faire le MOOC. Je leur ai dit que je tenais compte de la certification. »

 

Idem, ce n’est pas la première fois que Bruno appliquait cette stratégie de . Mais le format MOOC est différent dans le sens où le contrôle des connaissances change la donne :
« Avant, je leur envoyais le lien des vidéos que j’avais faites donc ce n’était pas complètement nouveau. Mais là, le MOOC, comme il y a un contrôle des connaissances et une certification, le niveau d’observance a été beaucoup plus fort qu’avant. Cela fait 14 ans que je fais le même M2 donc maintenant je vois le premier mois, ce qu’ils savent, ce qu’ils ne savent pas, leurs lacunes, en fonction de leur formation initiale (statisticiens, médecins, etc.). Cette année, ça a moins coincé.«

 

Quand je lui pose la question de savoir s’il a vraiment vu des effets sur ses étudiants, la réponse est immédiate :
« C’est évident. Ce n’est pas scientifique mais c’est évident. Quand je leur ai fait les cours de mise à niveau statistique, quand je leur disais des trucs, ils les avaient déjà entendus alors que les années d’avant ça ne faisait pas ça. Du coup, c’est beaucoup plus à l’aise ; ce n’est pas tant qu’il y a un gain de temps, c’est qu’il y a un gain de productivité. Tu peux passer sur tous les détails techniques puisqu’ils les ont déjà vus.
[…] C’est comme s’ils avaient eu un mois d’avance. C’est surtout sur les 20% d’étudiants les moins bons techniquement. Et ça, ça prend un temps fou, parce que tu as ceux qui sont bons et eux ils s’ennuient et ceux qui sont largués, si tu ne fais pas attention à ce qu’ils ne savent pas, après c’est fini, tu les as perdus pour toute l’année. Donc, tu es obligé d’investir beaucoup de temps là-dessus. Et là, j’ai vu la différence. Dès le deuxième TP, j’ai vu que personne n’avait de difficultés. Et c’est la première fois que ça m’arrive en 14 ans. »
Voilà qui fait réfléchir, n’est-ce pas ? A mon avis, je doute que les MOOC puissent continuer à se développer indéfiniment s’il n’y a pas une articulation avec l’institution pour légitimer les investissements consentis. Je dis ça je dis rien, et sur ce, je finis par une simple injonction : suivez ce MOOC si vous avez besoin de vous rafraîchir les idées en statistiques, il est vraiment tip top.

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