L’apprentissage vicariant
Publié le : ven 29 janvier 2016Views: 7884

Publié dans : Pédagogie

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Michel Monot, dans son site sur la Pédagogie de Maîtrise à effet vicariant, présente quelques aspects des travaux de Maurice Reuchlin et Albert Bandura au sujet de l’apprentissage vicariant.

La théorie de l’apprentissage vicariant

Pour la plupart des théories de comme pour l’observateur ordinaire, ce qu’on appelle ne peut se faire qu’en accomplissant une action et en faisant l’expérience de ses conséquences.
Pas plus que REUCHLIN, BANDURA ne rejette cette évidence, mais il observe avec pertinence que cette vision très consensuelle ne recouvre pas toute la réalité de l’apprentissage. Pour lui, ces apprentissages par expérience directe surviennent en fait le plus souvent sur une base vicariante, c’est à dire en observant le comportement des autres et les conséquences qui en résultent pour eux. L’apprentissage vicariant ne dispense certes pas dans tous les cas de l’expérience directe, mais il permet le cas échéant de la faciliter et incite à s’y investir si les conséquences observées sont positives.
Le fait de pouvoir apprendre par observation rend en effet les individus capables d’acquérir des comportements ou des savoir-faire sans avoir à les élaborer graduellement par un processus d’essais et d’erreurs affirme BANDURA, qui se démarque ainsi des thèses habituellement béhavioristes des anglo-saxons.

La théorie de l’auto-efficacité

La théorie de l’auto-efficacité se situe dans le prolongement de l’analyse précédente. Selon cette théorie définie par BANDURA, la perception qu’a un individu de ses capacités à exécuter une activité influence et détermine son mode de penser, son niveau de motivation et son comportement. BANDURA prétend que les personnes cherchent à éviter les situations et les activités qu’elles perçoivent comme menaçantes, mais elles s’engagent à exécuter les activités qu’elles se sentent aptes à accomplir.
Pour BANDURA, l’expérience vicariante, c’est à dire l’opportunité de pouvoir observer un individu similaire à soi-même exécuter une activité donnée, constitue une source d’information importante influençant la perception d’auto-efficacité. Cette expérience vicariante vaut pour les adultes comme pour les enfants, dans le domaine professionnel comme dans le domaine scolaire, voire dans bien d’autres domaines, y compris médical.

Esquisse d’une mise en oeuvre à l’école élémentaire

L’apprentissage vicariant, dans la définition peut-être contestable que nous en avons retenue, fonctionne à l’école élémentaire d’une manière que l’on pourrait dire naturelle mais peu cohérente, et parfois à l’insu du maître . En voici deux exemples – très connus mais plus complexes qu’on le croit – pour lesquels il conviendra ultérieurement de distinguer, entre autres, ce qui relèverait plutôt du « modeling », de l’imitation pure, de l’apprentissage socio-constructif par observation, etc. .. :

1 – Malgré les interdits, les élèves ne se privent pas de prélever des indices utiles en observant le travail des meilleurs d’entre eux. Ce procédé est condamné, mais il faut s’interroger : sait-on quel est le poids relatif de ces pratiques jugées illicites dans l’acquisition effective des connaissances réglementaires…

2 – On sait par ailleurs – mais beaucoup l’ignorent qui travaillent en fonction de routines mal explicitées – que l’apprentissage vicariant est présent dans certaines pratiques courantes de correction : correction au tableau par un élève qui a réussi ou au contraire échoué; ou corrigés modèles; ou invitation à lire une copie réussie. Mais cette sage pratique enseignante peut être interpellée : son rendement pourrait être meilleur, et sa responsabilité propre au regard des dysfonctionnement de l’école, du renforcement des inégalités scolaires et de l’exclusion, peut même être soupçonnée, dans la mesure où elle intervient souvent en conclusion d’une séquence d’apprentissage et non comme une phase de relance des apprentissages. Ce constat, qui a inspiré notre approche de la de maîtrise, nous parait essentiel.

3 – On ne manquera pas de rapprocher de ces problèmes le développement fulgurant de la production parascolaire : cahiers de vacances, annales corrigées, etc.. que le contexte actuel de crise économique et le savoir-faire commercial des éditeurs ne peuvent à eux seuls expliquer. Les élèves conviennent volontiers que le fait de pouvoir disposer de solutions d’exercices en marge des cours qu’ils suivent leur est une aide précieuse pour parvenir à acquérir les compétences requises, ce qui ne saurait d’ailleurs surprendre : l’analyse du savoir faire d’autrui à travers le produit de sa compétence, qui relève rappelons le de l’apprentissage vicariant, a joué un rôle important tout au long de l’histoire de l’humanité dans la transmission des savoir-faire, et l’école nous paraît bien mal placée pour l’ignorer. Le temps n’est pas si loin pourtant où les annales d’examens étaient des ouvrages réservés aux professeurs, où ceux-ci condamnaient l’usage des aides mémoires, mémentos et guides pratiques, qui faisaient une certaine place à un embryon de « méthodologie », ouvrages perçus parfois comme des concurrents ou des rivaux de leurs « cours ». Les « boîtes à bac » du temps jadis, aux pratiques si contestées, avaient pour leur part bien compris depuis longtemps l’intérêt commercial des difficultés scolaires, mais les sévères critiques adressées à leur pédagogie mériteraient sans doute d’être relativisées : on y enseignait peut-être mal, mais on y pratiquait un entraînement systématique qui permettait d’apprendre.

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