Fiche de synthèse

Introduction

Force est de constater que la rigidité des processus appliqués dans toutes les phases de la formation depuis sa conception jusqu’à son suivi est assez contradictoire avec la diversité et la souplesse des stratégies pédagogiques que l’on cherche à développer au service d’un apprentissage optimisé de chacun.

Et si on mettait un peu d’agilité dans tout cela ?

Episode 1 – Concevoir avec agilité

La gestion de projet informatique a fait sa révolution dans les années 90 avec l’apparition des méthodes agiles.

Basées principalement sur le principe d’itérations en démarrant d’un prototype pour aboutir à un produit fini par étapes d’améliorations successives, ces méthodes, qu’elles s’appellent Scrum ou SAFe ont été rapidement adoptées car elles présentent de nombreux avantages :

Elles permettent en effet

  • de diminuer fortement les écarts entre le produit développé et les besoins réels
  • de réduire le coût des études qui sont réalisées conjointement avec les développements
  • de limiter l’effet tunnel pour les utilisateurs et les équipes impliquées dans le projet
  • d’apporter de la souplesse et de la réactivité.

Si on se réfère à la gestion de projet appliquée à la conception et au développement de formations digitales telle que conduite habituellement on peut lister a minima les étapes suivantes:

  • écriture du synopsis
  • rédaction du scénario pédagogique
  • création d’un storyboard
  • production des modules avec intervention des graphistes et développeurs
  • tests et ajustements
  • puis la phase de déploiement

S’inspirer des méthodes agiles en conception et production pédagogique, c’est :

  • réduire au maximum les phases de spécifications lourdes et consommatrices de temps (synopsis, scénario, storyboard)
  • tester rapidement des idées pédagogiques avec des prototypes légers
  • conserver les idées performantes, et éliminer les moins pertinentes
  • finaliser uniquement les prototypes qui atteignent les objectifs pédagogiques
  • concevoir de nouvelles activités pour les idées qui n’ont pas été concluantes
  • s’arrêter à un niveau de qualité acceptable sans viser la perfection
  • déployer rapidement et poursuivre le cycle d’amélioration à partir des retours des utilisateurs

Ces changements ne sont pas difficiles dans l’absolu. Ils le sont pourtant en pratique tant les habitudes sont fortes, et les résistances au changement tout autant.

Cependant, une fois le premier projet mené selon ces principes, tout retour en arrière semble impossible tant les bénéfices sont grands.

Episode 2 – Concevoir « agile » en Digital Learning, ça donne quoi ?

Adopter une méthode agile va avoir pour principales conséquences :

  • d’oublier la fameuse méthode Addie pour passer du côté de chez SAM. L’acronyme ADDIE signifie Analyse, Design (ou conception), Développement, Implémentation, et Évaluation. Ce modèle propose un processus avec des étapes à franchir et des livrables associés à chacune d’entre elles. C’est une approche en cascade dont le déroulé bien que très rassurant pour certains est long et fastidieux et rend tout retour en arrière risqué et coûteux. Qui parmi vous n’a pas entendu d’un prestataire interne ou externe la fameuse phrase : « une fois validé …c’est trop tard pour modifier… ou alors ça va coûter la même chose… en temps ou en argent… ».
  • de s’ouvrir au modèle SAM (pour Successive Approximation Model) propose une approche plus itérative du processus de conception pédagogique. Il s’agit de fonctionner par approches successives de type essai erreurs, améliorations pour arriver à quelque chose d’abouti et de pertinent pour l’utilisateur final.

Il s’agit en effet :

  • d’impliquer les utilisateurs finaux dès la conception pédagogique avant même de commencer la production des contenus, puis tout au long des productions et en phase de diffusion finale bien entendu. Leur feed-back est clé …c’est à eux que s’adresse la formation. C’est fait pour eux … par pour faire plaisir au chef de projet digital learning ou au graphiste en chef.
  • de se doter d’outils de prototypage rapide d’activités pédagogiques. Pour cela, une simple vidéo tournée avec son smartphone, un schéma sur un paperboard que l’on va prendre en photo, un coup de sketchnoting pour illustrer rapidement ses idées,  un bon mind-mapping pour structurer et visualiser rapidement son cours ou encore une séance de design thinking impliquant commanditaires de la formation, apprenants et formateurs vous permettront d’accélérer votre cycle de conception et de fiabiliser vos premières idées.
  • de substituer le scénario pédagogique détaillé par des prototypes rapides permettant de valider la pertinence des intentions pédagogiques.
  • de gérer enfin de façon dissociée les étapes d’avancement de chacun des grains de formation.

Concrètement, le temps gagné par l’allègement important du temps historiquement consacré à la rédaction du synopsis, du scénario pédagogique, du scénario détaillé ou du storyboard, peut être consacré à faire de nombreux prototypes des activités pédagogiques, avec pour conséquence :

  • de tangibiliser rapidement les intentions pédagogiques
  • de pouvoir éliminer au plus tôt les fausses bonnes idées,
  • d’avoir plus de souplesse dans les ajustements tout au long du projet,
  • de changer d’état d’esprit : ne pas viser la perfection mais le juste assez
  • bref itération, souplesse, humilité et efficacité deviennent les mots clé

Passer de la rigidité à l’agilité est un vrai challenge, mais les bénéfices sont incontestables.

Episode 3 – Etre agile avec le sujet

Gérer un projet de conception et de production de modules de formation selon des principes agiles améliore fortement le “rendement” du projet, et renforce son efficacité pédagogique.

Pour améliorer significativement cette dernière cela passe également par un changement de posture vis-à-vis de l’apport d’expertise.

Les apports des experts sont souvent trop denses, trop touffus, pas assez hiérarchisés et triés, et peu qualifiés sur une échelle de difficulté d’appropriation.

Il en résulte généralement un contenu trop riche, pas assez vulgarisé, et sans progression dans la difficulté.

L’expertise est précieuse, rare, mais pas sacrée, il est tout à fait autorisé de ne pas la restituer avec la même volume, le même ordonnancement, et la même façon de l’exposer.

Il faut que le concepteur pédagogique s’approprie réellement le sujet.

Pour gérer avec agilité un sujet, il est préférable de procéder selon ces étapes :

  • recueillir tous les contenus et interviewer les experts
  • faire des recherches personnelles sur le sujet : livres, publications, internet
  • challenger les contenus et les principes fournis par les experts au regard de ces autres points de vues
  • faire sa propre “cartographie” des contenus liés au sujet

Pour savoir si le niveau d’agilité nécessaire à une conception pédagogique libre et créative est atteint, le test est simple : fermez tous les classeurs, tous les documents, les powerpoint et autres fichiers, et tentez de résumer le sujet oralement, en 2 minutes.

Si le test est concluant, alors scénariser la progression pédagogique du niveau initial vers le niveau final visé ne devrait pas poser de problème.

Episode 4 – Se former agilement

Pour être cohérent dans l’agilité, gérer et concevoir de façon agile se doit d’être complété par une approche également agile concernant la posture offerte à l’apprenant.

Si on peut l’aider en lui donnant un cadre, un parcours, des étapes à suivre, des conseils pour utiliser les ressources, on se doit aussi de le responsabiliser dans son apprentissage.

C’est une bonne façon de développer sa capacité à l’autodidaxie et ainsi de lui rendre un vrai service pour le futur : renforcer sa capacité dans le « apprendre à apprendre ».

Pour cela, il ne s’agira pas de suivre linéairement, et de façon exhaustive un parcours de formation, mais de lui proposer de se fixer des objectifs réalistes, d’avancer dans la formation de façon progressive et par itérations :

On pourra par exemple lui proposer ou lui laisser l’opportunité

  • Effectuer un premier survol rapide des contenus
  • Réaliser un test de connaissance pour mesurer ses différents niveaux sur les principaux sujets
  • Approfondir son apprentissage sur les sujets mal maîtrisées
  • Survoler plus rapidement des sujets plutôt bien maîtrisés
  • Effectuer un nouveau un test de connaissance
  • et ainsi de suite jusqu’à atteindre un niveau correspondant aux objectifs personnels fixés pour chacun des sujets

L’agilité ce n’est pas qu’une méthode, une approche mécaniste c’est aussi et surtout un état d’esprit.

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