Le feedback est consubstantiel de l’acte d’apprentissage et d’un processus de construction du savoir. Littéralement, on pourrait le traduire par « nourrir en retour ». De façon générale, le feedback (ou rétroaction, en français) est une réponse envoyée par le destinataire d’un message à son expéditeur.
Concernant plus précisément l’apprentissage, en 2007, John Hattie et Helen Timperley, chercheurs néo-zélandais en éducation, définissent le feedback comme une information donnée à un apprenant, par un enseignant, un pair, un parent (…) et relative à sa performance ou à sa compréhension. En cas d’erreur, le formateur, l’enseignant, le pair… peut alors proposer des mesures correctives amenant l’apprenant à progresser.
« Feedback is conceptualized as information provided by an agent (e.g., teacher, peer, book, parent, self, experience) regarding aspects of one’s performance or understanding. A teacher or parent can provide corrective information, a peer can provide an alternative strategy, a book can provide information to clarify ideas, a parent can provide encouragement, and a learner can look up the answer to evaluate the correctness of a response. »
Pour une définition moins scolaire du feedback, Myers et Myers, auteurs de l’ouvrage « Les bases de la communication humaine », considèrent le feedback comme « (…) un processus non évaluatif de partage d’information avec une autre personne qui respecte son droit et sa liberté de l’accepter ou de le rejeter, d’agir en fonction de ce qui lui est dit ou de ne pas le faire »
En formation à distance, le feedback peut être émis de façon automatique et peu personnalisée dans le cadre d’auto-évaluations mais il peut également émaner d’un e-tuteur, de pairs et faire ainsi l’objet d’une plus grande personnalisation. Dans le cadre d’une formation à distance, le feedback est particulièrement important et devrait être particulièrement soigné dans la mesure où les espaces de dialogue sont souvent plus réduits que dans une formation en présentiel.
Tour d’horizon des cas d’usage…
1.
Feedback et évaluation :
pour planter le décor
Le feedback est étroitement lié à l’évaluation de l’apprenant. Il s’agit bien d’un commentaire et de préconisations faites, en regard de réponses apportées par l’apprenant, lors de l’évaluation de sa compréhension et de sa maîtrise d’un sujet. D’ailleurs le concept d’évaluation formative a découlé de la reconnaissance de la valeur pédagogique d’un feedback pertinent.
En 1983, le Dr Jack Ende, médecin américain, définit l’objectif du feedback. Il explique que le feedback vise à modifier et à ajuster le comportement ou la pratique de celui qui le reçoit. Le feedback est donc porteur d’action et s’appuie sur une évaluation formative. En situation d’évaluation sommative, il présente moins d’intérêt dans la mesure où ce type d’évaluation est ponctuelle et surtout réalisée au terme d’une séquence d’apprentissage, laissant ainsi peu de place à la mise en place, par l’apprenant de mesures correctives.
L’évaluation formative est définie par Gérard Scallon, docteur en sciences de l’éducation, comme : « un processus d’évaluation continue ayant pour objectif d’assurer la progression des individus engagés dans une démarche d’apprentissage ou de formation, selon deux voies possibles : soit par des modifications de la situation ou du contexte pédagogique, soit en offrant à chaque individu l’aide dont il a besoin pour progresser, et ce, dans chacun des cas, pour apporter, s’il y a lieu, des améliorations ou des correctifs appropriés. La décision action, c’est-à-dire la régulation, a pour objet soit la situation d’apprentissage, soit l’individu lui-même. »
La pertinence et la fréquence de l’évaluation sont donc cruciales pour utiliser le feedback comme un outil au service de la progression de l’apprenant.
La vertu de l’erreur en formation
Je me trompe donc j’apprends ! L’erreur est un vecteur d’apprentissage normal et puissant. Les neurosciences ont montré que notre cerveau est une machine à prédire l’avenir. Nous posons des hypothèses en permanence, que nous cherchons à confirmer ou à infirmer. En cas d’erreur, le cerveau est capable d’envoyer un signal d’alerte pour nous aider à corriger le tir et à opter pour une autre voix. Il en est de même en situation d’apprentissage. Le feedback complète (ou palie selon les cas et le niveau de difficulté) alors le rôle de lanceur d’alerte de notre cerveau.
Stanislas Dehaene, récemment nommé à la tête de conseil scientifique de l’éducation nationale, va même jusqu’à affirmer que l’apprentissage cesse lorsque cesse l’erreur. Dans l’un de ces cours au Collège de France, intitulé « L’engagement actif, la curiosité, et la correction des erreurs », Stanislas Dehaene rappelle à propos de l’erreur :
- qu’elle « est parfaitement normale et indispensable à l’apprentissage. Mieux vaut un enfant actif, qui apprend de ses erreurs, qu’un enfant passif et qui n’apprend rien » ;
- qu’ « elle ne doit pas être confondue avec la sanction ou la punition. Les punitions ne font qu’augmenter la peur, le stress, et le sentiment d’impuissance » ;
- qu’ « il vaut mieux privilégier les motivations positives et les récompenses qui modulent l’apprentissage ».
Le cours intégral dispensé par Stanislas Dehaene (environ 1H15) ici en podcast :
2.
Feed UP, feed BACK et feed FORWARD :
un concept en trois dimensions
John Hattie et Helen Timperley corrèlent l’efficacité d’un feedback à la réunion de trois dimensions. Le feedback peut ainsi jouer sur la temporalité de l’ajustement de l’apprenant. Ces trois dimensions peuvent se résumer à trois grandes typologies de questions :
- quels sont les objectifs du module, ou de la séquence et les résultats définis au démarrage de l’acquisition de la notion, du savoir-faire ou du savoir-être ? Ce qui signifie que le feedback doit être donné au regard des objectifs et des attendus. On peut tout à fait utiliser la même évaluation pour des modules de niveaux différents en modifiant le niveau des attendus. On peut qualifier cette rétroaction de feed up ;
- quelles sont les réalisations de l’apprenant au regard de cet objectif et quels progrès doit-il accomplir ou comment doit-il s’y prendre pour atteindre l’objectif ? Il s’agit là de la partie la plus directement liée à l’évaluation. L’appellation feedback trouve ici tout son sens ;
- dans quel contexte les acquis peuvent-ils être transférés ? Quelles sont les pistes d’amélioration future (pour les modules suivants, par exemple) ? Cette dernière dimension ouvre sur l’avenir et correspond à ce que l’on qualifie de feed-forward.
Le feedback peut également jouer sur le niveau d’appropriation par l’apprenant. C’est ainsi que chaque type de rétroaction devrait pouvoir agir sur 4 plans :
- sur le plan cognitif (on se focalise sur la tâche à accomplir) : le feedback mettra alors en lumière les manques, les erreurs, les imprécisions tout en apportant les informations nécessaires à la correction ;
- sur le plan méthodologique (on examine les processus mobilisés par l’apprenant) : le feedback identifiera les stratégies et process utilisés par l’apprenant pour réaliser la tâche et rectifiera si besoin pour lui permettre d’atteindre le niveau attendu et de trouver la solution ;
- sur le plan métacognitif (on parle ici d’autorégulation et d’autonomie de l’apprenant) : le feedback est un moyen pour l’apprenant de conscientiser ses apprentissages en les situant dans un cadre plus large, en réfléchissant sur ses stratégies d’apprentissages et les moyens de les réajuster pour atteindre l’objectif ;
- sur le plan affectif (on va ici jouer sur les mots du feedback) : selon que le feedback adopte un registre de langage négatif, positif ou constructif, l’impact sur la personne pourra varier.
En formation à distance selon que le feedback émane d’une correction automatique dans le cadre d’une activité eLearning, d’un e-tuteur ou d’un pair, ces différents plans pourront être plus ou moins mobilisés. En effet l’auto-évaluation aura du mal à s’attacher aux processus utilisés ou aux stratégies mobilisées par l’apprenant. Le e-tuteur qui aura développé une relation sur plusieurs modules avec l’apprenant aura plus de facilités à repérer son fonctionnement en situation d’apprentissage et à jouer sur les plans métacognitif et affectif. Tout est question de niveau d’intervention humaine et donc de personnalisation du feedback.
Le feedback peut enfin varier dans son contenu. Selon la nature de l’évaluation (activité de mémorisation, activité d’analyse pour replacer les acquis dans une situation concrète ou co-construction de réponse par des pairs), le feedback pourra être :
- prescriptif et donner la ou les bonne(s) réponse(s) (souvent le seul feedback dans le cas d’un quiz, par exemple) ;
- informatif et apporter des informations complémentaires formulées différemment qui aideront l’apprenant à mémoriser, comprendre, transférer ses connaissances (cas d’un quiz présentant en feedback et pour chaque item une explication sur sa véracité ou son inexactitude ou cas d’un exercice d’application pour lequel le feedback apporte des éléments de réponse supplémentaires) ;
- ou suggestif et ouvrir de nouvelles pistes de réflexion ou poser des questions propres à faire émerger de nouvelles propositions chez l’apprenant (cas d’un projet collaboratif, par exemple).
Les feedback informatif et suggestif sont ceux qui présentent la plus grande valeur formative par l’apport de ressources complémentaires ou le questionnement qu’ils suscitent chez l’apprenant.
Dernière variable significative pour faire du feedback un véritable levier d’apprentissage : le délai de réception. Donner un feedback dans un délai court permet à l’apprenant d’ajuster ses méthodes d’apprentissage, d’identifier ses lacunes et les stratégies à mettre en œuvre pour y remédier. L’efficacité de l’action corrective de l’apprenant est directement liée au délai de réception du feedback. Là encore, selon la nature de l’activité, le délai sera inévitablement variable : de l’immédiateté du feedback dans l’activité eLearning interactive au temps nécessaire pour analyser le rendu d’un projet collaboratif.
3.
Pour un feedback
EFFICACE
Pour résumer et au vu des différents éléments présentés, voici quelques suggestions pour un feedback utile :
Préférez un feedback constructif donc suggestif
Le feedback constructif est à l’image d’un sandwich :
- commencez par le positif : « Le projet présenté est clair et logique, il répond aux différentes interrogations que suscite la problématique »
- abordez ensuite les points à améliorer et prenez-les en sandwich : « En revanche, vous n’avez pas cité toutes vos sources. »
- terminez par les suggestions pour ouvrir d’autres pistes : « Ne pensez vous pas que le travail de X sur ce sujet pourrait être un bon complément ? Avez vous d’autres sources qui pourraient enrichir la présentation ? »
Les feedback positifs ou négatifs sont à manier avec précaution. De nombreuses études ont montré que le premier (feedback positif) peut encourager l’apprenant à se reposer sur ses lauriers et que le second (feedback négatif) peut décourager l’apprenant. Le feedback constructif invite à explorer d’autres pistes, à approfondir l’étude ou à entamer un dialogue.
Soyez sélectif et adaptez le niveau
Vouloir faire un feedback sur l’ensemble des éléments contenu dans l’activité d’évaluation peut diluer le propos et l’apprenant ne saura pas en tirer les enseignements pour améliorer ses performances. Mieux vaut se concentrer sur les points fondamentaux et adapter son commentaire au niveau de l’apprenant.
Respectez un délai court et cultivez la régularité
Le feedback, en tant que vecteur d’apprentissage, n’est efficace que s’il est donné en cours de séquence afin de laisser le temps à l’apprenant d’ajuster ses méthodes, de revoir les notions… Au terme de la séquence, l’apprenant passera à la séquence suivante et n’aura pas forcément l’occasion de tirer parti des remarques (constructives) du feedback.
S’il s’agit d’évaluer l’apprenant sur un projet échelonné sur l’ensemble du parcours de formation, placez des points d’étape afin de fournir un feedback régulier.
Restez centré sur la production réalisée et les objectifs plutôt que sur l’apprenant lui-même
Le feedback ne consiste pas en un jugement de valeur sur l’apprenant. Au : « vous êtes formidable ! » ou « vous n’avez rien compris ! », préférez : « c’est une réalisation qui correspond parfaitement à l’objectif ! (puis détailler en quoi la démarche répond à l’objectif) » ou « pour atteindre l’objectif (à rappeler), sans doute aurait-on pu commencer par rappeler le contexte, puis détailler les différentes étapes choisies… La solution proposée manque de … Ne pourrait-on pas envisager de … ?»
Encouragez le feedback sur vos feedback
Pour ajuster vos feedback et en faire de véritables outils pédagogiques, pour apprécier l’adéquation des ressources pédagogiques proposées à l’objectif visé, sollicitez un feedback de vos apprenants sur les feedback qu’ils reçoivent.
N’hésitez pas à proposer un sondage sur les activités d’évaluation, leur niveau, les commentaires reçus en correction… Valorisez leur avis.
Pour finir
N’oubliez pas que l’erreur n’est pas l’échec. Elle est au contraire un moteur de l’apprentissage et du progrès. Acceptez-la, dédramatisez-là, faites en un levier d’accompagnement de la progression de l’apprenant.