Elearning : il manque une bonne histoire — Antoine Lores / Linkedin
Publié le : ven 03 avril 2020Views: 368

Publié dans : Pédagogie

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Sans une compréhension du rôle pédagogique des mythes, il n’y aura pas de révolution de la formation

Quand la peste frappa l’Empire des Ming, l’Empereur interdit l’accès de sa Cité à tous sauf à sa femme, son fils et son premier ministre. Ne voulant interrompre l’éducation du jeune Prince, il lui fit livrer les plus beaux manuscrits classiques, dont une édition des Quatre Livres Extraordinaires, du Classique des Vers et des 36 Stratagèmes. Mais les semaines passèrent et l’Empereur fut contraint de reconnaître que son fils n’étudiait plus. A toute heure, le Prince courait les jardins déserts, regardait les nuages ou s’endormait sur ses livres enluminés. L’Empereur lui parla ainsi : “Tu as accès aux enseignements des plus grands sages et généraux, d’hommes d’états ou de poètes. Pourquoi n’en profites-tu pas pour fortifier ton esprit et étendre sa vue ?

— Leur lecture m’est pénible, et je n’en vois pas l’intérêt. Ces hommes sont morts et leurs messages sont secs. Je m’y essaie parfois pour vous plaire, mais je m’endors aussitôt.”

Plus tard, alors qu’il parlait des choses du gouvernement avec son premier ministre, l’Empereur lui confia son désarroi : « Rien ne met le Prince à l’étude. Il a pourtant accès aux plus grands écrits.

— Le savoir est un moyen. Il ne se suffit point à lui-même. Vous avez vous-même une belle épée, que vous n’avez plus soulevée depuis votre jeunesse. Il manque à votre fils une raison d’apprendre.

— Où la trouverais-je ? Quand le gouvernement du pays lui incombera, il sera trop tard pour faire son éducation.

— N’eût été la peste, j’aurais moi fait revenir ses excellents maîtres. Ils apportent au Prince le savoir, mais aussi l’exemple. S’il ne doit en y avoir qu’un, toutefois, je choisirais le barde.

— Le barde ! s’exclama l’Empereur. Mais c’est de tous le moins savant !

— De savoir votre fils n’a pas tant besoin. Vous le disiez vous-même, il a déjà les livres. Le barde a couru le pays. Il a été le confident des grands et des grandes, a vu l’effet des vertus et des vices. Il a observé les héros de votre règne et connaît ceux des temps anciens. Il sait surtout, par ses histoires et ses chansons, provoquer l’admiration pour nos aînés. Il fortifiera le Prince et lui donnera envie de s’élever. »

L’Empereur fit venir le barde, et bientôt le Prince reprit l’étude.

A l’ère digitale, nous sommes tous le jeune Prince

Nous avons un accès bon marché à la plus grande bibliothèque de l’Histoire : MOOC (cours en ligne), Wikipedia, Blogs, tutoriels Youtube, ebooks, communautés… Sommes-nous proportionnellement plus savants ? Ce n’est pas certain. C’est une énigme fascinante et de grandes récompenses attendent ceux qui la résoudront. Il y a en ligne tous les secrets nécessaires à votre succès. Mais où les trouver ? Comment faire le tri ? Où trouver la motivation d’apprendre des choses difficiles ? Comment rester concentré, aller jusqu’au bout ? Je vous propose ici une clé d’action, oubliée de trop de professionnels de la formation : le rôle fondamental des mythes, des histoires et des héros dans l’apprentissage.

Le mythe promet une aventure palpitante

Si les humains adorent les bonnes histoires, c’est parce qu’elles sont un accès facile à la joie, l’excitation, le suspense, le soulagement, le frisson de l’amour… A minima, elles sont par leur capacité à retenir notre attention une distraction bienvenue de nos émotions déplaisantes.

Au contraire, le savoir nu n’a pas ces atours là. Il n’a aucune valeur émotionnelle intrinsèque. Le pinceau du peintre, la grenouille du scientifique ou la moto du motard se moquent de ce que ressentent leurs observateurs. Admettre que le réel obéit à ses propres règles objectives, et non à vos souhaits est ce qui fera de vous un bon technicien. Mais cela implique qu’il faut inscrire le savoir-faire dans un cadre qui lui donne son sens, sa valence. Il lui faut une signification pour l’action. Vous pouvez expliquer la mouche drosophile avec la biologie, mais pas pourquoi le biologiste l’observe depuis 12 ans. Pour cela, il faut comprendre les mythes qui habitent le scientifique. Ils sont la promesse d’une aventure où l’apprentissage sera une péripétie.

Le premier élément d’un bon mythe tient à ses héros.

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