Digital Learning Acte 2 : l’âge de raison — Philippe GIL (Linkedin)
Publié le : lun 01 juillet 2019Views: 1040

Publié dans : Pédagogie

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Le Digital Learning se porte bien, très bien même si on en croit les grands sourires affichés lors des derniers salons et les dernières levées de fonds réalisées. Les offres n’ont jamais été aussi alléchantes, le marché semble mûr et les acteurs confiants. Alors tout va bien dans le meilleur des mondes ? Les nouveaux concepts sont-ils réellement matures ou bien la réalité est-elle un peu plus nuancée ?

Ce qui est sûr est que les pratiques évoluent enfin et que le stade du phénomène de mode est désormais relégué au passé. Oui le marché est bien là avec ses besoins qui se complexifient et se peaufinent à l’aune des nouveautés et des exigences de gain de temps et d’efficacité.

Deux grands mérites peuvent être attribués au Digital Learning : ré-interroger nos pratiques pédagogiques en les enrichissant et les professionnalisant, ouvrir un avenir riche, varié et pétri d’innovation.

1. Ré-interroger nos pratiques :

Repenser la temporalité et le présentiel

Si la formation est un temps long, le temps disponible pour se former diminue régulièrement. Les bons principes de réalité voudraient qu’on lâche l’affaire et qu’on se résigne à ce que former devenant si difficile on y renonce. A moins qu’en adaptant nos façons de former aux nouvelles contraintes, en s’appuyant sur les nouvelles technologies on ne trouve de nouvelles voies : “de la contrainte nait la créativité”.

Mettre à distance des activités pédagogiques a permis d’adapter la durée de ces apprentissages au rythme de chaque individu et de comprimer le temps passé en salle. Avec une conséquence formidable : nous obliger à nous interroger sur la valeur ajoutée de ces temps passés en salle. Quelle valeur pour l’individu et le groupe à être réunis pour se former. Que faire pour que ces moments-là soient uniques et que la pédagogie mette l’accent sur le participatif, le collectif, la co-construction. Sans compter ce nouveau présentiel peut-être lui-même augmenté par la richesse de nouvelles solutions technologiques utilisées en séance.

Optimisation des temps mais également changement des rythmes : faire que la formation soit enfin un véritable continuum. Une des voies ouvertes en ce sens est le micro-learning : former par fragments de 5 à 10 minutes régulièrement. Cette contrainte forte oblige à aller à l’essentiel, à impliquer et mobiliser l’apprenant dans ce court moment. Très adapté au format mobile, ce nouveau mode de formation oblige à imaginer de nouvelles stratégies pédagogiques, à trouver des alternatives aux modalités utilisées par habitude : “accomplir un petit miracle pédagogique en 5 minutes”. Ces micro grains diffusés selon l’approche des renforcements espacés permettront de fortifier l’ancrage dans la durée. La formation n’est plus un moment, elle est et sera de plus en plus au cœur de notre travail.

S’intéresser au fonctionnement du moteur : le cerveau

Largement mises à toutes les sauces, les neurosciences n’ont pas pour vocation à “prescrire” les bonnes ou mauvaises pratiques pédagogiques. Des neuromythes souvent relayés par des pseudo-scientifiques, et des offres opportunistes de certains ont conduit à regarder les neurosciences d’un œil critique ou amusé.

Cependant, au cours de ces dernières années des avancées et découvertes réellement scientifiques fondées sur l’usage des technologies comme l’IRM ont permis de confirmer certaines intuitions et de comprendre les principaux mécanismes de fonctionnement du cerveau liés à l’apprentissage : l’attention, la motivation, la mémorisation, les émotions…

De la transposition de ces connaissances scientifiques dans le monde de la formation est née une nouvelle discipline : la Neuro-éducation, aussi appelé Neuro-learning.

S’intéresser aux neurosciences en formation permet d’adapter ses dispositifs pédagogiques aux mécanismes naturels d’apprentissage du cerveau, et accroitre ainsi leur efficacité tout en diminuant les efforts demandés aux apprenants. Tel le garagiste comprenant le fonctionnement du moteur pour l’optimiser, le formateur se prête à rêver de mieux décrypter les mécaniques d’apprentissage du cerveau pour adapter ses formations et les rendre plus performantes.

Se (re)mettre à la pédagogie

Le Digital Learning s’est largement installé dans le paysage de la formation en y instillant de nombreux outils :

  • plateforme de formation (LMS : Learning Management System)
  • outils de création de contenus (outils auteurs)
  • mobile learning
  • réalité virtuelle ou augmenté (XR : eXtended Reality)
  • classe virtuelle…

Mais aucun de ces outils ne comporte (encore) d’intelligence pédagogique.

Sans outil, sans support, la transmission de savoirs ne repose que sur les compétences didactiques et pédagogiques du formateur, et sans ces deux compétences, on ne parle alors pas de formation, mais d’exposé.

Pour ne pas tomber dans le piège de confondre informer avec former, un petit retour aux fondamentaux de la pédagogie ne peut pas faire de mal : maîtriser les approches pédagogiques (comportementaliste, cognitiviste, constructiviste, socio-constructiviste…), se reposer les bonnes questions (et de nouvelles étant donné la profusion des possibilités) sur le choix des bonnes méthodes pédagogiques ou encore savoir sélectionner les outils qui permettront la mise en scène la plus appropriée au déroulé pédagogique retenu. Merci au Digital Learning de nous aider à repousser nos limites de designer pédagogique.

2. Un avenir ouvert sur l’innovation

L’acte 1, pour utiliser un terme à la mode, du Digital Learning a mis en avant de grandes nouveautés mais ce qui nous attend sera tout aussi remarquable. Illustration en 7 points.

Intelligence artificielle 

Elle n’en est qu’à ses balbutiements aujourd’huietcertaines solutions qualifiées comme telles reposent parfois sur des algorithmes certes complexes mais dont l’apparition remonte à 1950 tout de même. Cependant les promesses du machine-learning et du deep-learningreposant principalement sur l’analyse d’une masse énorme de données, l’intelligence artificielle en formation n’aura réellement de pertinence qu’avec une accumulation d’une très quand quantité d’interactions avec les apprenants. Pour bénéficier de sa puissance, il va falloir apprendre à jongler avec la data et le RGPD.

Gamification

Omniprésente dans les discoursla clé de la motivation et de l’engagement, elle peut, en théorie, rendre passionnant n’importe quel sujet. La gamification n’est cependant pas une recette de cuisine inratable, ou un topping magique qu’il suffit de déposer sur une formation pour la rendre attractive et addictive. Elle est plus riche et donc plus complexe que de simples badges, ou des battles. Même si ces deux principes fonctionnent, ils ne sont pas suffisants pour gagner à coup sûr.Sans être une science, la Gamification nécessite d’être maîtrisée et intégrée totalement dans le dispositif de formation et surtout d’être ajustée finement pour être réellement efficace. Elle repose sur des stratégies, des scénarios, des ressorts cognitifs qui actionnent les leviers de la motivation. Comme l’UX, elle va devenir une compétence attendue et nécessaire pour dépasser le boring learning.

Adaptive learning

Les formations vont devenir personnalisées, elles vont s’adapter à l’individu, son niveau et sa façon d’apprendre. Telle est la promesse. Peu de technologies sont réellement matures. Le moteur d’Ancrage Mémoriel© de Woonoz est un des plus sophistiqué et performant et permet une augmentation du taux de mémorisation à long terme se rapprochant ainsi du Graal. Au-delà du macro-adaptive, (c’est-à-dire la sélection et l’ordonnancement personnalisé des modules constituant un parcours individuel de formation), c’est bien dans le micro-adaptive (la personnalisation du contenu même de chaque grain d’apprentissage) que l’adaptive-learning apportera sa réelle contribution dans l’amélioration de la performance des dispositifs. Combiné au NeuroLearning et à l’IA le cocktail est à surveiller de près.

Mobile-learning

Le taux d’équipement individuel approche les 100%, la majorité des accès web se fait depuis un mobile, le micro-learning est très efficace, les principaux freins sont levés pour développer cette solution.Mais à part les grands comptes qui ont pratiquement tous fait au moins une expérimentation de mobile-learning, quelle est l’offre standard réellement accessible à monsieur tout le monde ? et les outils permettant de développer de véritables contenus mobile-learning se comptent plutôt sur les doigts d’une main de Mickey.Conscients que c’est plutôt la demande qui crée l’offre, les principaux opérateurs se mobilisent fortement pour convertir leur catalogue de contenus et rendre leurs outils compatibles avec les usages et les terminaux mobiles, et seuls ceux qui proposeront une vraie expérience mobile tireront leur épingle du jeu.

xAPI

xAPI permet le tracking d’activités pédagogiques informelles (activités sur les réseaux sociaux, la consultation de vidéos, …) et permet de dissocier les données et les outils par l’apparition des LRS.Les grands éditeurs de LMS ou d’outils auteurs ont fait l’effort d’intégrer les bases d’xAPI dans leurs outils, mais les éditeurs de contenus n’ont pas encore tous franchi le cap. La déferlante annoncée se fait autant attendre que SCORM à son heure.L’intérêt principal d’xAPI étant de pouvoir intégrer aux données de formation formelles les activités informelles, le signal de départ d’xAPI viendra certainement d’un acteur majeur et externe au monde de la formation. Si Microsoft implémente xAPI dans Yammer ou Google dans Youtube, alors le coup d’envoi sera enfin donné. Tous dans les starting-blocks !

UGC

Le web 2.0 a donné la parole aux utilisateurs en leur offrant gracieusement des outils pour produire et des espaces pour publier leurs propres contenus (blog, vidéo, wiki, …). L’avenir est dans le User Generated Content (UGC) en complément des contenus proposés par les éditeurs. Le monde de la formation a la fâcheuse tendance à penser que les grands courants du marketing sont transposables dans les pratiques pédagogiques. Force est de constater que le décalage temporel est important :-).Quand les jeunes générations rodées à l’auto-production de vidéos et aussi à l’aise avec leur Smartphone qu’avec un BIC viendront grossir les rangs des entreprises, alors oui, nous pourrons passer du simple enrichissement des parcours par des commentaires textuels à de vrais contenus pédagogiques proposés par les utilisateurs eux-mêmes. Mais au fait… ces jeunes… sont déjà dans l’entreprise !

XR

La Réalité Virtuelle et la Réalité Augmentée, permettent de proposer aux apprenants des activités immersives nouvelles, riches et ouvrent la voie à des simulations performantes et impactantes. Mais les casques de réalité virtuelle sont encore rares, un peu lourds et chers. Les supports dans lesquels il faut insérer un Smartphone n’ont pas un confort suffisant pour des sessions de longue durée. Les outils auteurs, bien que de grande qualité, sont encore plus rares que les outils de Mobile-learning. Mais les grands opérateurs (Apple, Samsung, Microsoft, Google, Facebook…) investissent massivement dans la XR, les usages vont rapidement se démocratiser et les équipements s’alléger, se perfectionner, et leur coût va baisser.

Alors prêt pour l’acte 2 ? C’est sûr ça va tout casser.

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Repéré depuis https://www.linkedin.com/pulse/digital-learning-acte-2-lâge-de-raison-philippe-gil/

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