Didier Cozin dirige depuis 2006 AFTLV, un organisme de formation spécialisé dans la formation aux compétences de base. Auteur de nombreux ouvrages sur la formation, il prend régulièrement la parole sur le sujet dans les médias.
Quels sont selon vous les freins à la formation en France ?
La formation a officiellement une bonne image auprès du public, toutes les études le montrent ; mais la formation, c’est un peu comme l’humanitaire, personne n’est contre. Sur le terrain, cependant, il y a des réticences. Réticences des entreprises, bien sûr, avec l’idée que quand les personnels d’exécution sont en formation, ils ne sont pas au travail, ce qui représente une perte. Mais aussi réticences du côté des salariés.
Pourquoi ce revirement ?
Le CPF a déresponsabilisé les entreprises par rapport à la formation. Cette évolution était voulue. En 2012-2013, le Medef a eu très peur que l’on demande le provisionnement du Dif, suite au rapport de la Cour des comptes sur le sujet. Dans les grandes entreprises, cela pouvait représenter des millions d’heures et des sommes considérables. Le Medef a donc demandé et obtenu de François Hollande qu’il soit mis fin au Dif, et que celui-ci soit remplacé par le CPF, dispositif dans lequel l’employeur n’a plus de responsabilité ni d’intérêt.
Il faut au moins une dizaine d’années pour que les dispositifs de formation professionnelle soient connus et utilisés par les employeurs et les salariés. En changeant sans arrêt les dispositifs, on les torpille. C’est ce qui s’est produit avec le Dif, comme d’ailleurs avec le Cif, la période de professionnalisation, le bilan de compétences…
Je suis persuadé que si on l’avait conservé 10 ans de plus, le Dif aurait bouleversé la formation. Le dispositif fonctionnait un peu comme les congés payés : il fallait discuter avec l’employeur de son utilisation. C’était un moyen d’initier un dialogue social sur la formation entre les salariés et l’employeur.
Quel est le bilan du CPF ?
J’ai commencé à écrire un livre critique sur ce dispositif. Pour moi, le CPF est un faux dispositif de formation continue des salariés. Il permet essentiellement à Pôle emploi de trouver des financements pour former les chômeurs. De fait, en 2014, le CPF a été présenté comme une forme d’assurance formation : vous cumulez des heures de CPF en prévision du moment où vous vous retrouverez au chômage. La formation est considérée comme un bonus que l’on obtient à l’ancienneté, comme les miles ou les points d’une carte de fidélité. Mais quand vous perdez votre emploi, il est presque trop tard pour se former ! Le CPF n’est pas adapté à la formation des salariés en emploi.
Que faudrait-il faire aujourd’hui selon vous ?
Il faudrait commencer par remettre à plat l’Éducation nationale, afin qu’elle se consacre à ce qui devrait être son cœur de métier : les apprentissages de base. Il faudrait sortir l’enseignement professionnel du champ de l’Éducation nationale. Un élève en lycée professionnel coûte 12 ou 13 000€ par an, avec des taux d’insertion très faibles dans certains domaines. Les 8 à 10 milliards économisés devraient revenir à la formation professionnelle.
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Repéré depuis https://www.managementdelaformation.fr/interviews/2022/05/17/didier-cozin-10-ans-plus-dif-bouleverse-formation/
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