1-Les symptômes
Les publications d’application AFEST sur Linkedin et Centre Inffo montrent que, jusqu’à présent, quatre types de voies sont explorées :
- une proximité avec TWI (Training Within Industry) qui met l’apprenant en situation active, après deux démonstrations du formateur à vitesse réelle puis décomposée avec commentaires, celui-ci doit réussir le geste en verbalisant les points clés de la démonstration. Précisons que toute l’architecture TWI n’est pas mobilisée;
- une proximité avec la recherche scientifique, notamment dans la clinique de l’activité (Clot,2001), la vidéo est mise en avant pour l’auto-confrontation mais le doute subsiste sur qui fait quoi dans l’auto-confrontation, formateur ou apprenant. A signaler, que fonctionnellement la vidéo peut servir aussi de preuve de réalisation : on poste sa vidéo auto-commentée comme on postait ses devoirs (écrits) terminés au CNED ;
- des activités OBLIGATOIREMENT planifiées du fait du caractère de formation formelle de l’AFEST. Respectant le décret, c’est la voie privilégiée par les OPCO, de ne budgéter et financer que ce qu’ils peuvent prédéterminer;
- enfin, une action de PST (Professionnalisation en Situation de Travail) centrée sur le processus de résolution de problèmes dont est issu l’exemple ci-dessous. L’entreprise a financé sur fonds propres et n’a manifestement pas respecté le décret.
2- Rendre une situation apprenante est un objectif très complexe.
La photo de l’exemple ci-dessous est tirée d’une pratique réelle et je prends la responsabilité de décrire ce que devraient être les apprentissages d’une AFEST. Pour ce faire, j’ai transposé ce que serait l’apprentissage sur un banc de simulation comme le ferait la Didactique Professionnelle. Je me suis donc éloigné du cas réel entreprise et de son action spécifique.
3- Les hypothèses explicatives et conclusions
Je rejoins la position de Jean Marie Luttringer (Chronique 119) que l’AFEST aurait pu avoir le caractère d’une PST (Professionnalisation en Situation de Travail). Sa réflexion sur la protection juridique de l’apprenant et de l’obligation de moyens de l’entreprise est des plus justes ainsi que sa proposition d’encadrement par un accord d’entreprise qui aurait permis de concevoir la FEST dans le domaine non formel.
4- Les précédents articles sur l’AFEST
- L’ingénierie de la formation AFEST: entre innovation et contraintes
- Faut-il repenser le tutorat pour soutenir l’AFEST ?
- Et si l’approche Agile s’imposait pour développer les projets AFEST ?
5- Qu’est-ce qu’une didactique?
La didactique étudie comment rendre un objet de savoir transmissible auprès des apprenants. La question est comment faire en sorte que les apprenants assimilent, comprennent, transfèrent… bref conceptualisent un objet de savoir dans les meilleures conditions et dans le respect de sa spécificité… Dans l’AFEST, de par sa filiation directe avec la Didactique Professionnelle, ces objets de savoirs sont « mis à nu » par l’analyse du travail et de multiples allers et retours entre « on line » et « off line » sont organisés, d’où les auto-confrontations en vidéo qui sont largement mobilisées autant par les chercheurs que par les analystes de l’AFEST.
6- Existe-t-il une pédagogie spécifique en milieu de travail?
La première question à se poser est ce qui justifierait l’existence d’une telle pédagogie. Avant même d’être une relation entre formateur et apprenant, la pédagogie relève d’un ensemble de théories et de pratiques qui ne peuvent être séparées, c’est même la mise en tension de ces deux polarités qui justifie l’existence de la pédagogie d’après Houssaye (1) : « Qu’est-ce que la pédagogie? C’est l’enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducatives par la même personne, sur la même personne. Le pédagogue est un praticien-théoricien de l’action éducative. Il cherche à conjoindre la théorie et la pratique à partir de sa propre action, à obtenir une conjonction parfaite de l’une à l’autre, tâche à la fois indispensable et impossible en totalité (sinon il y aurait extinction de la pédagogie) ».
7- Le problème est plus d’éliminer les obstacles que de prouver que la pédagogie en situation de travail existe
Schön (5) explicite ce qu’il appelle le dilemme du professionnel, « dilemme de la rigueur ou de la pertinence ». La rigueur, ce sont les « hautes terres » confortables de la rationalité scientifique, des savoirs reconnus, validés, mais qui ne servent à « […] traiter que des problèmes sans grande portée sociale ». La pertinence, ce sont les « basses terres marécageuses » des situations complexes, floues et instables où le praticien « […] traitera de problèmes épineux de grande importance, mais où il devra accepter de sacrifier la rigueur technique ». Schön explique que la théorie et les modèles scientifiques sont inopérants pour la plupart des situations rencontrées par le professionnel.
8- Conclusions
S’il est indispensable de penser didactique, il l’est tout autant de penser pédagogie de la situation de travail. Il existe bien des cas où l’on peut parler d’une pédagogie classique, formelle où tout est prévu d’avance mais compte-tenu de la complexité croissante du travail, nous pouvons évoluer vers une pédagogie hybride dont la situation de travail est « maître du jeu ». Ces apprentissages sont non formels et majoritairement informels et seule la PST peut rendre compte de leur existence et les formaliser. Mais pas n’importe comment, pas sans pilotage, ni protection juridique des apprenants.
En ce sens, perdu au milieu de nulle part, l’ AFEST est un bien encombrant objet.
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Repéré depuis https://www.linkedin.com/pulse/afest-objet-plus-encombrant-quutile-richard-cormons/