1. A tous les niveaux

2. Quelle est votre maturité en matière de learning culture ?

3. Le service formation, pivot de la learning culture

4. En résumé…

L’entreprise est-elle créatrice de savoir ? Si l’on considère que le savoir organisationnel est plus grand que la somme des savoirs individuels, alors peut-on supposer que l’organisation possède un pouvoir créateur de connaissances et de compétences. Pour autant, ce ne sont pas les entreprises qui apprennent et deviennent compétentes, mais bien leurs collaborateurs. Pour tirer parti des connaissances et compétences de leurs équipes, les organisations doivent créer les conditions optimales d’expression, de mobilisation et de partage de ces savoirs, savoir-faire et savoir-être afin d’améliorer leur efficacité globale.

La learning culture correspond à un mode d’organisation pensé pour favoriser et capitaliser sur l’apprentissage individuel et collectif et dont l’objectif découle des objectifs stratégiques de l’entreprise.

Quelles sont donc les conditions organisationnelles qui transforment et agrègent les savoirs, savoir-faire et savoir-être individuels en une culture apprenante au service de l’action collective et des objectifs business de l’entreprise ? Il n’existe bien évidemment pas de check list unique et validée. La réflexion est à mener au niveau de chaque entreprise en y associant tous les niveaux hiérarchiques, de la direction générale aux managers de proximité et jusqu’aux salariés.

Or, paradoxalement si nombre d’entreprises reconnaissent aujourd’hui l’importance de développer une culture de l’apprentissage dans leur organisation, on constate que la disponibilité des collaborateurs pour des actions de formation se réduit, que les budgets alloués à la formation sont contraints et que les managers restent peu engagés dans la montée en compétences de leurs équipes.

C’est peut-être dans la recherche d’un équilibre entre actions formelles de formation des salariés et mécanismes informels de valorisation des compétences acquises que l’on peut tenter de réconcilier impératifs budgétaires et temporels et nécessité d’apprendre pour se développer individuellement et collectivement.

Cette stratégie de gestion de la connaissance et des compétences individuelles et collectives se matérialise au niveau organisationnel par la mise en place d’un mode de fonctionnement général dont l’axe central reposerait sur un management engageant, des objectifs clairs et communiqués et le partage des connaissances à tous les niveaux hiérarchiques.

1.
A tous les niveaux

Mettre en œuvre un environnement formel et informel propre à dynamiser et à optimiser l’apprentissage en entreprise repose sur 3 leviers principaux. L’effort consacré à chacun de ces leviers varie en fonction du moment, du contexte, des publics cibles et de l’objectif de l’entreprise. Ces 3 leviers visent à :

  • développer et valoriser les compétences du salarié ;
  • enrichir le travail et donner du sens aux missions ;
  • bâtir une culture d’entreprise qui offre des opportunités d’apprendre en permanence.

L’individu, levier stratégique de l’apprentissage organisationnel

Au niveau individuel, la stratégie de montée en compétences repose sur l’engagement du salarié, sa motivation et sa responsabilisation face à ses propres apprentissages. A ceci près toutefois que l’on voit encore aujourd’hui des apprenants inscrits en formation qui, dans certains cas, ne sont même pas au courant de leur participation, ou plus fréquemment, arrivent sans connaître l’objectif opérationnel de leur entrée en formation et le bénéfice qu’ils vont en tirer dans leur pratique quotidienne ou l’intérêt de l’acquisition de ces nouveaux savoirs, savoir-faire et savoir-être pour l’équipe.

De quelle responsabilité parle-t-on ici ? De celle de l’apprenant ou de celle du manager, du service RH, de l’entreprise ?

Difficile dans ces conditions de valoriser l’acte d’apprendre et d’offrir aux apprenants une reconnaissance spécifique propre à encourager chacun à investir dans ses compétences au service de son entreprise. Plus difficile encore de capitaliser sur ces actions de formation individuelle pour diffuser de nouveaux process, de nouvelles postures dans une équipe.

Pour adopter une démarche learner-centric, la phase de recueil des besoins en compétences nouvelles et de préparation individuelle des entrées en formation est stratégique. Elle est impulsée par la direction générale et se décline dans tous les services opérationnels sous l’impulsion des services formation et des managers de proximité.

Dans une organisation déjà sensibilisée aux problématiques d’apprentissage, elle passe en complément par la mise à disposition, à la demande, de modules de formation, de ressources asynchrones, d’une curation de contenus, accessibles à tous les salariés, sur ou hors temps de travail.

Valoriser le travail et donner du sens aux missions

Outre les actions formelles de formation expérientielle et immersive, d’AFEST, de mentorat, de co-développement et tout dispositif d’apprentissage on the job, l’ouverture d’espaces de dialogue dans les équipes constitue un soutien fort au développement de l’équipe. Ces échanges au sein de l’équipe sont également une réponse à la faible disponibilité des collaborateurs pour des actions formelles de formation.

La mise en place d’une culture de l’apprentissage passe donc aussi par un apprentissage social et un partage au niveau de l’équipe :

  • Start with why ! Les équipes performantes et innovantes commencent par réfléchir au « Pourquoi » avant d’envisager le « Quoi » et le « Comment ». Cette étape si chère à Simon Sinek permet de définir l’objectif de toute action dans une équipe et donc de donner du sens aux missions et tâches de chacun.
  • Retours d’expérience et statut de l’erreur : analyser les projets entre pairs, imaginer des pistes d’amélioration ou réinterroger ses pratiques dans le cas d’erreurs commises sont des leviers d’enrichissement individuel et collectif. Ces discussions doivent être structurées et les conclusions et apprentissages formalisés, pour être diffusés largement dans l’entreprise.
  • Constater les progrès et la performance : féliciter les équipes et, à cette occasion, conscientiser l’apport des nouvelles compétences dans la réussite individuelle et collective concourent à augmenter l’engagement de chaque salarié dans le développement de ses compétences et le partage de ses acquis avec ses pairs.

Culture générale

Ces espaces de dialogues reposent sur la confiance et des valeurs de bienveillance et d’écoute mises en place au niveau de l’organisation et diffusées largement et régulièrement aux collaborateurs.

L’engagement et l’appétence des collaborateurs pour développer de nouvelles compétences de façon formelle ou informelle sont encouragés par la reconnaissance des efforts individuels et la possibilité d’organiser son temps librement dans le respect des délais et des objectifs. Ils sont renforcés par l’engagement des managers dans les parcours de formation de leurs équipes et peuvent être soutenus par l’accès à des programmes de coaching ou de mentorat dans l’entreprise. Ils sont outillés par des modules de formation accessibles à la demande par tous les salariés, des tests de positionnement online, des évaluations et des feedback réguliers.

L’innovation et la créativité sont portées par la possibilité offerte à chacun d’expérimenter, de prendre des risques mesurés et de se tromper sans risque de sanction, mais avec l’exigence de partager le fruit de ses expérimentations ou de ses erreurs avec l’ensemble des collaborateurs.

Enfin toutes les connaissances, process, méthodes sont documentées, actualisées et leur accès est libre.

2.
Quelle est votre maturité en matière de learning culture ?

Karen Watkins et Victoria Marsick, chercheuses en sciences de l’éducation, ont mis au point un questionnaire visant à évaluer le niveau de maturité des différentes dimensions d’une culture de l’apprentissage dans une organisation.

Partant du principe que pour obtenir les bonnes réponses et définir les actions adéquates, il faut avant tout être capable de se poser les bonnes questions, nous vous proposons ce questionnaire baptisé Dimensions of a Learning Organization Questionnaire (DLOQ) comme base de réflexion pour analyser la culture d’apprentissage de votre entreprise et les axes d’amélioration.

Qu’allez-vous analyser avec le DLOQ ?

Le DLOQ passe en revue 7 dimensions qui concourent à ancrer et diffuser une culture de l’apprentissage dans l’organisation. Une étude statistique de grande ampleur réalisée en 2004 dans de nombreux pays a permis de valider le modèle et de conclure qu’il existe une corrélation positive entre la présence de ces 7 dimensions, le niveau de connaissance perçue et la performance financière de l’organisation.

La liste des 7 dimensions ci-dessous est adaptée d’après le tableau de Karen Watkins et Victoria Marsick.

Créer des opportunités d’apprentissage en permanence
L’apprentissage est intégré dans les activités productives quotidiennes de façon à ce que les collaborateurs puissent se former sur le poste de travail. L’entreprise met en place des solutions et une offre pour former et développer les compétences de ses collaborateurs.

Promouvoir la réflexion et le dialogue
Les collaborateurs développent des compétences de raisonnement qui leur permettent d’exprimer leurs idées. Ils acquièrent une capacité d’écoute et sont encouragés à demander le point de vue de leurs pairs. La culture d’entreprise est ainsi adaptée pour soutenir le questionnement, le feedback et l’expérimentation.

Encourager la collaboration et l’apprentissage en équipe
Le travail est organisé autour d’équipes rassemblant des individus dont les schémas de pensée diffèrent. Les équipes sont supposées progresser ensemble. La collaboration est valorisée et récompensée.

Mettre en place un soutien organisationnel pour collecter et partager les apprentissages
Des systèmes (de niveaux technologiques variables) de partage de connaissances sont implémentés, maintenus et accessibles sur le poste de travail. Les accès sont communiqués aux collaborateurs.

De là, on pourrait ajouter (non présent dans le tableau original), le budget et le temps alloués à l’apprentissage.

Donner les moyens aux collaborateurs de développer une vision collective
Les collaborateurs sont impliqués dans la définition, l’appropriation et l’application d’une vision commune. Afin que chacun soit motivé pour acquérir les savoirs, savoir-faire et savoir-être qui relèvent de son périmètre, la responsabilité est décentralisée au plus près des centres de décision.

Connecter l’organisation à son environnement
L’organisation accompagne ses collaborateurs pour leur permettre de mesurer l’impact de leur travail sur l’ensemble de l’entreprise. Ils analysent l’environnement et utilisent les informations recueillies pour adapter leurs modes de travail. L’organisation est reliée à ses communautés.

Faire de l’apprentissage un levier stratégique
Les dirigeants orientent, promeuvent et soutiennent l’apprentissage. Cet apprentissage est aligné sur les objectifs business de l’entreprise.

Et si vous faisiez le test ?

La version des tableaux présentés ici est une traduction du questionnaire original de Karen Watkins et Victoria Marsick, réalisée par Marie-Claude Lehoux, agente de planification, programmation et recherche du CIUSS du Centre-Québec.

Il ne s’agit pas ici de réaliser un véritable diagnostic qui nécessiterait de faire tourner des modèles statistiques mais de vous permettre d’orienter vos réflexions, de structurer une démarche et de disposer d’une image de votre maturité en matière de culture d’apprentissage à un instant t.

Le questionnaire comprend 43 affirmations (pour chaque affirmation, attribuez une note de 1- jamais à 6 – toujours), classées en 3 parties :

La première partie analyse les pratiques au niveau individuel 

La deuxième partie analyse les pratiques au niveau des équipes 

La troisième partie se concentre sur le niveau organisationnel

3.
Le service formation, pivot de la learning culture

Une fois le diagnostic réalisé et sans parler de révolution de l’organisation, le service formation et les formateurs internes ont un rôle central à jouer dans l’instauration d’une culture de la connaissance et du partage entre pairs. 

 Au niveau stratégique, le responsable formation peut accompagner la direction des ressources humaines elle-même porte-parole auprès de la direction générale, dans la mise en place d’un plan d’action structuré et planifié visant à établir une communication dédiée et un véritable marketing des actions formelles et informelles de la learning culture. 

 Le service formation doit alors considérer sa mission avec plus de hauteur et devenir un facilitateur de l’acquisition de connaissances et de compétences afin de soutenir toutes les actions qu’il mettra en place pour recueillir les besoins, délivrer les compétences adaptées aux attentes et aux objectifs, et en évaluer l’impact individuel et collectif.

 La direction générale, relayée par les managers, doit offrir les moyens : le temps de se former et la reconnaissance à l’avoir fait. 

Le service formation a pour mission de susciter l’envie par un marketing de ses initiatives. Ainsi, par exemple, le catalogue annuel ne peut plus suffire à bâtir un plan de développement des compétences en ligne avec la stratégie de l’entreprise. L’offre doit s’adapter aux événements internes ou externes qui impactent la vie de l’organisation, en concertation avec la direction générale. Le plan de communication du service formation ne doit pas se limiter aux lancements des grandes actions de formation. Il participe de la valorisation de l’image du service formation. Il est articulé tout au long de l’année pour sensibiliser les collaborateurs à la nécessité de lutter contre l’obsolescence des compétences et de partager le savoir pour assurer le développement et la croissance de l’entreprise.

La communication ne se contente pas d’une approche top-down. Elle se construit à double sens pour intégrer les remontées, avis et suggestions de l’ensemble des services dans une démarche de collaboration.

 Le service formation peut être à l’initiative de communautés de pratique dans l’entreprise. Chaque retour d’expérience, chaque succès, chaque réclamation client, chaque erreur peuvent être l’occasion de tirer les leçons d’un cas concret, plus à même d’interpeller les salariés et les équipes. A ce niveau, la direction générale et le management ont pour mission de dédramatiser l’erreur et la transformer en occasion d’apprentissage. 

 Enfin pour légitimer sa mission et démontrer la valeur d’une culture de l’Apprendre dans l’entreprise, le service formation doit analyser les données et les résultats de ses actions par une mesure du ROE (retour sur les attentes). Pour cela, la définition en amont des attendus de chaque initiative et l’élaboration de KPIs pertinents permettront d’objectiver des résultats et de crédibiliser le rôle de la fonction formation dans l’entreprise.

 Au niveau des actions formelles de formation, le formateur adopte une posture de guide, de médiateur et facilitateur pour faire émerger les savoirs, savoir-faire et savoir-être, abandonnant ainsi sa traditionnelle posture de sachant. Le formation repose sur la mise en pratique en situation de travail, l’expérience et les échanges entre pairs, plus que sur des apports théoriques descendants moins engageants et efficaces pour le participant.

4.
En résumé…

La learning culture ne se décrète pas. Elle se bâtit. Ses leviers sont tant organisationnels, qu’humains, financiers ou technologiques. Elle relève de la stratégie de l’entreprise et à ce titre doit être impulsée et portée par la direction générale. Elle se matérialise par l’aptitude et la volonté de créer et d’enrichir les compétences individuelles, de les partager pour les transformer en compétences organisationnelles puis de les exploiter pour développer des offres, produits et services innovants et performants. Elle repose sur des valeurs d’ouverture, de dialogue et d’expérimentation et une communication invitant tous les collaborateurs à se former.

Pour démontrer la richesse de la learning culture, nous vous proposons, dans ce dossier, les avis, réflexions, conseils et partis pris de différents acteurs de la formation, avec lesquels nous collaborons régulièrement pour nourrir nos réflexions et nous l’espérons les vôtres.